Ce roman mêle habilement récit féerique et faits historiques, légende arthurienne et persécutions contre les cathares...
Pourtant, le début de l'histoire ne laissait à aucun moment présager une telle orientation. Léola, jeune paysanne de 15 ans, a vu le seigneur d'Aubenac, à la suite d'une bataille meurtrière, recruter son père, son frère Antoine et son amoureux Jacques pour poursuivre la guerre contre son ennemi.
Pour se protéger de la soldatesque, elle revêt l'armure d'un chevalier décédé. de rencontres en rencontres, Léola va s'initier tour à tour au maniement des armes, à l'écriture et la lecture, à l'éducation des nobles dames de ce temps.
Mais sa rencontre la plus importante reste celle avec Nynève, personnage mystérieux qui prétend être la Viviane de la légende et avoir connu la cour du roi Arthur ; elle dévoile même la vérité sur "le vieux Myrddin" (Merlin) qui n'était qu'"un menteur et un truand, mais (...) aussi un barde extraordinaire, un conteur magnifique." (page 145)
Nous ne saurons jamais vraiment la vérité au sujet de Nynève. Est-elle folle ? Mythomane ? ou la fée de la légende ?
En tout cas, elle ne quittera plus notre héroïne jusqu'à la fin du livre, se déguisera comme elle en homme pour lui servir d'écuyer (et surtout des conseils avisés que Léola ne suivra pas toujours)...
Le corps de Léola, qui a choisi de mener une vie d'homme, est marqué en conséquences : "J'ai perdu deux doigts à la main gauche, le petit doigt et l'annulaire, tranchés par la hache d'un énergumène, et j'ai le corps déchiré par les cicatrices des blessures que Nynève a recousues avec une habileté miraculeuse." (page 196)
Bien que le récit, par certains épisodes, fleurette souvent avec le merveilleux, on n'en est pas moins ancré dans l'Histoire du XIIème-XIIIème siècle. En effet, l'auteure nous livre des informations intéressantes sur les pratiques de ce temps, comme l'apposition de la signature des peintres ou sculpteurs sur leurs oeuvres à partir du XIIème siècle (page 162/3), et aborde différents thèmes cruciaux de cette période, comme la naissance de la sainte Inquisition avec l'ordre des dominicains, la persécution des cathares, la pratique de la fin'amor où les dames éprouvent l'amour de leurs prétendants par des défis cruels condamnant parfois ces chevaliers au ridicule ou à la mort (page174/5)
Rosa Montero nous brosse le portrait d'un XIIème siècle finalement très féminin avec les figures fictives de Léola et Nynève, de la Dame blanche qui se transforme en Dame noire, celles historiques d'Aliénor, Héloïse et des Parfaites. Or, la liberté de ces femmes est de plus en plus menacée par la montée de l'obscurantisme et du fanatisme, et le comté de Toulouse, dernière terre de refuge contre ces forces rétrogrades, n'y résiste pas longtemps.
Les repères temporels sont de deux sortes : l'âge de l'héroïne que l'on suit de ses 15 ans à ses 40 ans et les événements historiques mais ceux-ci sont trompeurs car, comme nous le signifie l'auteure à la fin de l'ouvrage, nous avons affaire ici à une achronie c'est-à-dire que les dates des événements historiques ne sont pas respectées afin de les faire tenir dans la période de 25 ans couverte par l'histoire.
Ainsi, les figures historiques évoquées ou rencontrées n'ont pas pu être toutes contemporaines de l'héroïne : Abélard (1079-1142), Héloïse (1092-1162), Aliénor d'Aquitaine (1122-1204), Richard Coeur de Lion (1157-1199), Simon de Montfort (1164-1218), ni les événements qui la touchent : la croisade des Albigeois (1209-1229), la croisade des enfants (1212), le siège de Montségur (1244).
Et là, vous vous demandez sûrement à quoi peut bien faire référence le titre du livre ? Tout simplement, à une légende du Moyen-Âge qui provoque la mort de celui qui la raconte. D'étape en étape, l'histoire dure plus longtemps, et se précise, tout comme le dessin d'Avalon que peint Nynève sur les murs de leurs maisons successives, mais pour aucune de ces deux énigmes nous n'aurons le mot de la fin.
D'ailleurs, en parlant de la fin, celle-ci est ouverte mais je ne peux en dire plus sous peine de vous gâcher la surprise...


Pour conclure, un livre passionnant qui fourmille d'informations très intéressantes sur le Moyen-Âge. Il reprend certains des thèmes et des codes des chansons de geste de cette époque, et c'était vraiment captivant. de plus, d'ordinaire, je n'aime pas trop le mélange des genres fantasy/historique mais là, je dois avouer que chaque élément s'intègre vraiment bien à l'intrigue

HenriMesquidaJr
7
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le 20 avr. 2017

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2 j'aime

HENRI MESQUIDA

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