Bonjour à tous,
Tout est dans le titre : "Le roman comique". Scarron va donc nous raconter des histoires pour nous faire rire. Des histoires avec des personnages truculents, dans des scènes cocasses et incongrues, où le burlesque est roi. Tout commence autour d'une petite troupe de comédiens parcourant la province du Maine pour finir … ? Pour ne pas (ne plus) finir peut-être… Peu importe les intrigues, ce qui compte est l'instant de la narration. Scarron a certainement inspiré Diderot pour "Jacques le fataliste". L'œuvre se construit par emboîtements de récits, tirés, pour certains, de nouvelles espagnoles. On est donc parfois dans le conte, on passe de la région du Mans à l'Andalousie, puis on revient dans le Maine pour partir ensuite en Italie. La richesse de cette œuvre tient beaucoup au style incroyable de l'auteur qui, comme Rabelais, use de toutes les saveurs de la langue du dix-septième siècle. Les bronchades et les croupades des chevaux barbe, les ruses des coquins et des bandouliers, les fourberies des tire-laine et les débauches des tripotières, forment un monde succulent, drôle et magique.
Le pauvre Scarron , tout souffreteux, et contrefait, au point de vivre replié en forme de Z sur une chaise , était néanmoins l'un des esprits les plus brillants de sa génération . Il nous a laissé ce livre , "Le roman comique" , dont s'inspira plus tard Théophile Gauthier pour son "Capitaine Fracasse" ainsi que quelques autres auteurs célèbres ...
Nous sommes en 1650 , dans la région du Mans . Une petite troupe de comédiens de province se produit un peu partout et se réfugie dans des auberges et des hostelleries de fortune . Scarron nous narre avec humour et malice leurs aventures et mésaventures en prenant un malin plaisir à compliquer les situations , créant des quiproquos , entremèlant les amours , les rencontres , les enlèvements simples ou doubles . Une quantité de situations toujours galantes ( on est à mille lieues de la crudité érotique de notre époque ) teintées de marivaudage avant l'heure .
Pourquoi relire ce classique du Grand Siècle ?
Pour en revenir aux racines du roman qui consiste avant tout à raconter à son lecteur une histoire et non pas à se regarder le nombril sur 300 pages ! Avec Scarron nous sommes servis ! Le bougre regorge d'imagination , c'est un véritable feu d'artifice d'esprit et de créativité ...
Ensuite pour le plaisir de plonger dans la mentalité à la fois raffinée , hautement intellectuelle et souvent bornée , vulgaire ou jouisseuse de l'époque .
Enfin pour s'apercevoir combien notre belle langue , riche , un peu lourde , voire "empesée" alors , a évolué en prenant force , légèreté et suggestibilité chez les auteurs qui savent écrire , bien sûr , à notre époque . Preuve que la langue est un organisme vivant en pleine évolution et rassurer les grincheux qui la croient mourante ou dégénérée .
Finalement pas si difficile à lire , ce livre est accompagné de notes qui permettent de replacer les "incidents" dans leur contexte historique ainsi qu'un très précieux glossaire qui aide à la compréhension de mots disparus ou dont le sens a évolué .
Livre très intéressant de ces points de vue là !!
Perdus dans un monde de papier, certains romans dorment, comme des trésors enfouis, sous des couches de poussière. Le hasard faisant parfois bien les choses, il devient bonne fortune et offre à l'impénitent lecteur un joyau.
Le Roman Comique est donc un diamant de la plus belle eau. L'histoire de cette troupe de comédiens dans la bonne ville du Mans durant le XVII ème siècle donne à Scarron l'opportunité d'écrire un livre d'une liberté de ton remarquable, d'une drôlerie constante, parsemée de rebondissements et de combats dignes des grands romans de cape et d'épée (on y croise d'ailleurs un baron de Signognac que Théophile Gautier refera surgir du néant)et dans lesquels telle, ultimes poupées russes, s'insèrent des nouvelles tirées de la littérature espagnole.
Tableau des moeurs du temps,romances baignées de violence, vie nomade au fil des pièces jouées devant la fine floeur de la province du Maine (comment ne pas penser au Molière des tréteaux de foire?) tout témoigne de l'immense talent de Scarron.
Et dire que sa femme, Françoise d'Aubigné, allait devenir Madame de Maintenon et transformer la fin du règne de Louis XIV en une immense caserne dévote.
C'est à désespérer du genre humain.....
Avec ce texte où les aventures se succèdent et où pleuvent les coups, Scarron réussit la gageure de réunir le monde du roman et celui de la comédie, alors même que les codes esthétiques de l'époque l'interdisaient. Défile devant nos yeux ébahis toute une galerie de personnages, plus hauts en couleur les uns que les autres, depuis Ragotin, le "demi-homme" grognon et plein d'orgueil jusqu'au sieur de La Rappinière,digne représentant de l'ordre qui redissimule un passé bien douteux. Tous les éléments du picaresque semblent réunis: l'errance sur la route, les hôtelleries où l'on se raconte des histoires pour oublier la noirceur d'un monde où triomphent la malice et le vice, la misère qui amène un avare à téter sa propre femme qui vient de sortir de couches...Pourtant, entre deux portraits-charge qui ne ménagent rien n'y personne (Le Destin n'épargne pas même ses parents), les nouvelles espagnoles viennent redonner un vernis d'idéal et de merveilleux à une réalité qu'on sait sordide. Chatoyant, irisé, le texte, hétéroclite comme les morceaux rapiécés d'un costume de théâtre, devient une véritable miscellannée offerte à un lecteur idéal qui goûterait à la fois les délices du conte galant et le réalisme acide des saynètes burlesques !!
Amusez bien à cette lecture rafraichissante, au possible. Bonne lecture !! Tcho.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Livres