Je ne suis pas vraiment à jour dans mes classiques. Le seul roman réaliste que j'ai lu - longtemps - avant le Rouge et le Noir était Madame Bovary. J'avais beaucoup aimé ce récit qui faisait des allers-retours entre bassesse et hautes aspirations.
Le Rouge et le Noir est à mon sens encore meilleur. Il dépeint en filigrane le monde de Stendhal: la noblesse qui vit dans l'orgueil et dans la peur (peur du ridicule et peur d'une autre révolution), le peuple avide d'égalité, le clergé divisé par des courants religieux et gangrené par des individus prêts à tout pour étancher leur soif de pouvoir. Stendhal n'épargne rien ni personne: les ouvriers avares, les dames naïves, les abbés calculateurs, les nobles hypocrites, et même Julien n'est un héro que par sa place centrale dans le récit. Rien n'est blanc et rien n'est noir. Rien n'est important sinon l'apparence.
Le Rouge et le Noir ne circule pas entre la bassesse et les hautes aspirations, mais entre la fange de l'âme humaine et ce qu'elle a de plus élevé, de plus éclairé. Il en va de la vie, du salut, de nombreuses personnes. Personne ne reste indifférent au caractère et au sort de Julien, et certainement pas le lecteur. Il y aurait pu y avoir ici une comparaison avec Jeanne d'Arc: là où elle fut condamnée pour être sortie de son rôle de femme, Julien fus mis à mort pour être sorti de celui de paysan.