Été 2000, j’ai vingt ans.
Je passe mes vacances en famille dans une maison de campagne perdue sur un plateau, au milieu des champs. Soudain, c'est le scénario catastrophe : j’ai été trop gourmand dans mes lectures, je n’ai plus rien à lire.
Je suis perdu au milieu des champs. Pas de télévision à regarder, encore moins d'internet. La première librairie digne de ce nom est à plus d’une demi-heure de route. Dans la région, les jours s’écoulent interminablement, dans une chaleur écrasante d'ennui. Bref, la situation est grave.
Je n'ai pas relu le Royaume des Devins depuis cet été 2000 et je dois avouer que beaucoup de détails de l’intrigue ont désormais disparu de ma mémoire.
Mais ce dont je me souviens très bien en revanche, c’est la délivrance ressentie quand une amie de la famille me l’a prêté, en l’extrayant de sa bibliothèque bien fournie.
Encore aujourd'hui, ce livre est mon meilleur souvenir de littérature de gare.
Mais, heu… ? C’est un compliment ou pas, là ?
Disons que ce n'est pas un roman qui va scotcher le lecteur par ses fulgurances de style. Et qu’il n’apporte rien de nouveau au genre fantastique. En gros, cher(e) ami(e) lecteur(ice) de l'Internet multimédia digital, si c'est de la littérature avec un grand "L" que tu recherches, passe ton chemin.
Mais s’il ne peut pas être comparé aux plus grands, le Royaume des Devins est un excellent représentant de ces livres magiques. Il est de ceux qui démarrent dans un quotidien maussade, pour basculer monde fantastique, en t'emmenant avec lui. C’est inventif, cohérent, riche, sublime et cruel à la fois.
Si tu as envie de partir en voyage loiiin de ton quotidien en tournant des pages, alors réjouis-toi, tu as là affaire à de la came de premier choix.
Sans faire crier au génie, le style est meilleur que ce qu'on trouve généralement dans les rayons Fantasy ; et une fois commencé, le Royaume des Devins est de ces livres qu’on ne peut plus lâcher pendant plusieurs jours.
Cher(e) lecteur(rice), voici mon conseil : emmène-le avec toi en vacances. Tu verras que tous les deux, vous allez vivre des aventures incroyables dans mondes que tu ne soupçonnais pas. Vous allez passer des journées entières ensemble. Devenir inséparables, ne plus répondre à votre entourage que par mono-syllabes, vivre des rebondissements complètement foufous et vous rouler ensemble dans l'herbe.
Mais sois prévenu(e) : c’est aussi le genre de livre qui fait un peu souffrir. Parce que d'un seul coup, il va avoir la muflerie de se terminer. Oui, comme-ça-d-un-coup il va te plaquer sans même te proposer de rester amis. Bien sûr, auprès de tes proches, tu prendras sur toi ; tu ne laisseras rien laisser paraître. D’abord parce que ce serait un peu ridicule, mais aussi parce que tu ne peux pas leur expliquer que tu es dégoûté(e) d’avoir perdu un compagnon avec lequel tu as vécu des moments bien plus passionnants que ce que ton quotidien avec eux.
Mais au plus secret du fond de toi-même, c'est bien une mini rupture sentimentale que tu vivras.
Mais alors, pourquoi commencer le Royaume des Devins, si c'est pour ressentir de la solitude une fois arrivé(e) à la dernière page ?
"À cause de la couleur des blés", dit le renard au Petit Prince.
Et parce que ces moments passés ensemble te donneront encore envie d'en parler, 15 ans plus tard, seul devant ton clavier, à des inconnus de l'Internet.