The Rise and Fall of Michael Eisner
De bruit et de fureur. Voilà ce que propose Le Royaume Enchanté, le livre-événement de James B. Stewart, édité chez Sonatine. Pas étonnant que l'auteur fasse référence au grand Will, car toute l'œuvre shakespearienne peut être convoquée dans cette histoire détaillée de l'entreprise Disney, entre 1984 et 2005. Ces vingt ans c'est tout simplement le règne de Michael Ier, Michael Eisner lui-même. D'abord monarque réformateur, l'ancien président de la Paramount deviendra un Richard III paranoïaque et destructeur, érodant ce qu'il avait précisément contribué à construire.
En 1984, il dépoussière pourtant la vieille maison Disney en quelques coups de cuillère à pot marketing : augmenter le prix des parkings de Disneyland, sortir les classiques Disney en VHS, bâtir des hôtels autour des parcs : en un an, Eisner fait exploser les bénéfices d'une maison endormie. Grâce à son numéro 2, Jeffrey Katzenberg, il renoue Disney avec son glorieux passé, mais oublie de le récompenser au passage. Eisner touche en un an 67M$ de prime, et Katzenberg, zéro. Ce dernier se plaint, mais n'obtient rien. Tout juste lui concède-t-on un petit bonus : 2% sur les profits réalisés sur les films produits par lui, mais uniquement quand il aura quitté la société. Katzenberg fulmine : les films sortent au compte-goutte, et il pourrait très bien ne rien toucher du tout ! Sauf qu'en 5 ans (1989-1994) Katzenberg supervise Qui Veut la Peau de Roger Rabbit ? La Petite Sirène, La Belle et la Bête, Aladin et Le Roi Lion. Très vite, Disney lui doit déjà 200M$.*
Le Royaume Enchanté regorge de ces anecdotes qui font la joie du Professore, qui par ailleurs, déteste Disney, n'est jamais allé à Disneyland, et n'a vu aucun dessin animé de l'oncle Walt.
Mais voilà, la meilleure histoire qu'Hollywood ait jamais écrite, c'est elle-même : combats d'egos, millions de dollars, intégrité artistique vs rentabilité marketing, tout y est, et bien plus encore, dans Le Royaume Enchanté. Mieux, on se plaît à se rappeler tout au long de la lecture du livre une partie de nos vies. Car ces événements, même lointains, nous y avons participé : le scandale Eurodisney, la bulle Internet, la fusion Time Warner, le succès surprise de Lost et Desperate Housewives, le départ de Katzenberg pour fonder Dreamworks (Shrek, Nemo, etc...), le succès de Pixar et le clash avec Steve Jobs, vous vous rappellerez sûrement d'un ou plusieurs de ces événements
Car que vous aimiez ou non Disney, il est le plus parfait représentant de cette culture américaine qui se déverse chaque jour dans nos télévisions, PC et iPads.
Une lecture hautement recommandable.
*Un épisode qui en dit long sur la pseudo génie des affaires américain.