Lire François Mauriac, c'est accepter de contempler l'humanité dans ce qu'elle a de pire dans ses bas instincts et sa médiocrité. Le Sagouin ne déroge pas à la règle. Tiraillé entre une famille noble désargentée et décadente et un instituteur pas si vertueux, Guillaume dit Guillou, ressent son rejet quotidien et ne trouve qu'une issue dans la lecture. Ce que Mauriac nous décrit, c'est une humanité qui trouve des réponses arrangeantes pour ne pas s'occuper d'un gamin singulier. La lutte des classes, les tares de ce sagouin (vilain,sale et bête) sont des prétextes pour fuir la responsabilité de l'assistance légitime et naturelle. Le lecteur a en horreur les femmes de cette famille (la baronne et Paule) noble perdues dans leurs schémas bêtes et simplistes mais condamne d'autant plus Robert Bordas (l'instituteur) de faillir à son rôle d'éducateur, et ébloui tout comme sa femme, par la réussite dans les études d'un fils qui vole déjà de ses propres ailes et n'est déjà plus à la maison. L'épilogue triste de cette histoire est aussi salutaire et quelque part le bras d'honneur à une société pitoyable,laxiste et indifférente qui n'aurait jamais réagi à la détresse de deux laissés pour compte désignés pour le demeurer. Les derniers mots de Mauriac sonnent le glas d'une communauté lâche, poursuivie par sa propre nullité. Un gamin victime de la bêtise de ses congénères, ça arrive aussi tous les jours et ça ne fait pas forcément les gros titres des faits divers. Lisez François Mauriac pour être malmené mais aussi pour ne pas vous voiler la face, sinon cet écrivain vous sera beaucoup trop offensif. Une lecture exigeante procurant aussi une satisfaction incomparable.