Un remarquable document historique.
Les Mémoires de Guerre ne forment pas un livre très accessible. Le style est austère, rigoureux, résolument classique sans avoir la verve fleurie d'un Victor Hugo. La construction peut être déroutante, avec des thèmes explorés et détaillés sur une longue période de temps avant de passer à un autre thème et de parfois revenir en arrière. Il faut avoir le minimum de bagage historique, moins sur la seconde guerre mondiale, indispensable à la bonne compréhension de l'ouvrage, que sur la suite et le cheminement du Général vers le pouvoir à la fin des années cinquante. Cela permet de comprendre plus aisément certains partis-pris autrement bien étranges sans mise en perspective ; De Gaulle ne fut pas sans arrières-pensées politiques dans son troisième volume.
Ces obstacles levés, ces mémoires sont un remarquable document historique, entrainant le lecteur au cœur de l'écheveau d'intrigues diplomatiques et politiques qui permirent à Charles De Gaulle d'assoir la légitimité politique et militaire de ce qui fut d'abord la France Libre, puis la France Combattante, avant d'être le Comité Français de Libération Nationale, puis un, enfin, un véritable gouvernement provisoire. De petites victoires militaires en accords diplomatiques ponctués par des participations parfois symboliques mais cruciales dans de plus grandes batailles, colonie par colonie, on assiste au lent basculement de la France dans le camp des alliés, non sans moult détails d'une rare précision sur les bateaux, régiments, officiers, politiciens et diplomates impliqués. L'ouvrage est parsemé de pépites, ici, un jugement ravageur sur Félix Lebrun ou Pierre Laval, là, une description proprement glaçante d'une visite officielle en URSS sous Staline ou enfin, une petite envolée lyrique confinant à la poésie en prose pour conclure le dernier livre.
Tout cela est indispensable à toute personne férue d'histoire, idéalement complété par "Politique extérieure de la France : l'abîme, 1939-1945", de Jean-Baptiste Duroselle.