Et si "le Sauveur" était le meilleur "Harry Hole" depuis "l'Homme Chauve-souris" ? Il est en tout cas le plus efficace, grâce à une construction passionnante qui, si elle répète la formule des livres précédents de la série (ces scènes / pièces de puzzle qui nous sont livrées sans explications et qui finiront par se mettre en place à la fin du livre), bénéficie d'un sujet des plus originaux : d'un côté l'Armée du Salut et sa structure hiérarchique, son fonctionnement, son financement, etc., et de l'autre le destin d'une victime du conflit yougoslave devenu tueur à gages, mais un tueur à gages aux règles et à l'éthique particulières. Au milieu, notre cher Harry Hole, pour une fois (à peu près) libéré de son démon de l'alcool, mais devant effectuer un certain nombre de choix cornéliens. Harry Hole, face à un nouveau patron pas forcément aussi accommodant que son prédécesseur, et face à la possibilité d'une nouvelle passion amoureuse. Et autour de tout ça, un froid polaire qui transforme les rues d'Oslo en piège mortel, en un véritable enfer urbain. Oui, l'intrigue du "Sauveur" est complexe, mérite beaucoup d'attention, mais c'est bien ce que l'on recherche dans un bon polar, surtout quand l'auteur - merci Jo Nesbø ! - ne sacrifie quasiment jamais aux poncifs du genre. De surprise en surprise, de scène émouvante en suspense éprouvant, on en arrive à la fin, magnifique avec sa double résolution (ce qui permet aux dernières de recoller "le Sauveur" aux livres précédents de la série, avec un twist final), mais surtout avec un véritable changement dans le comportement de Harry, qui le rend beaucoup plus ambigu, moins "lisible" qu'il ne l'était jusqu'alors. Bref, Jo Nesbø nous cette fois offre un vrai bon polar, peut-être un futur classique, bien loin du manichéisme fréquent du genre... qui a de plus l'immense avantage de traiter d'un thème des plus brûlants de nos jours : les violences, sexuelles et autres, faites aux femmes. Une lecture chaudement recommandée, donc. [Critique écrite en 2017]