Publié sur L'Homme Qui Lit :


Il me fallait au moins la lecture du nouveau roman de Yasmina Khadra pour effacer les traces de la déception causée par ma précédente lecture. Me réfugier dans la sagesse et l’expérience d’un auteur confirmé dont j’ai déjà aimé de nombreux livres, comme pour réparer un affront. C’est donc aux côtés d’un personnage brisé, un brin mélancolique et désabusé que j’ai traversé une partie de l’Algérie alors fraîchement indépendante, et pansant les plaies du conflit avec son ancien colon tricolore.


La vie d’Adem Naït-Gacem s’effondre quand son épouse Dalal l’informe qu’elle le quitte, et qu’elle part rejoindre l’homme qu’elle aime. Pour cet instituteur algérien, l’affront est double et la blessure narcissique est immense, lui qui se reposait sur ses acquis sentimentaux sans imaginer qu’elle pourrait un jour avoir l’idée de partir. Désemparé, il plaque tout : sa maison, son travail à l’école, et part errant sur les routes comme un mendiant pour se retrouver dans sa douleur.


Alors que cet homme désormais totalement habité par le cynisme cherche par tous les moyens à pousser la rupture à son paroxysme en s’isolant, ses déambulations l’amèneront à côtoyer un nain en quête d’amitié, des travailleurs sur un chantier puis une famille qu’un petit tyran local tente d’exproprier afin de récupérer la ferme dans laquelle ils sont établis. Pour l’homme lettré et l’amoureux blessé, il y a de bonnes raisons de chercher à tenir tête à ce pouvoir abusif.


Si j’étais content de retrouver la plume et la descriptions toujours très intéressantes de Yasmina Khadra sur son pays, j’ai été toutefois un peu grisé par la mélancolie et le cynisme à toute épreuve de son personne dont les choix de vie et les réactions m’ont souvent été difficilement compréhensibles. J’étais, et c’est un peu triste de l’avouer, content de m’en débarrasser dans les dernières pages car j’avais l’impression qu’il allait finir par m’entraîner dans sa noirceur. Pour autant l’histoire est intéressante et permet de dresser le portrait d’un pays fraîchement libéré à une époque que je n’ai pas connu, et sur ce point, c’est une belle réussite.


Le sel de tous les oublis de Yasmina Khadra a paru le 20 août 2020 aux éditions Julliard.

Lubrice
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Ma bibliothèque virtuelle, Service de presse, Lus en 2020 et Ma rentrée littéraire 2020

Créée

le 3 déc. 2020

Critique lue 369 fois

Brice B

Écrit par

Critique lue 369 fois

D'autres avis sur Le Sel de tous les oublis

Le Sel de tous les oublis
Mediatheque33113
9

Critique de Le Sel de tous les oublis par Mediatheque33113

Note 8 / Critique Premier.ère lecteur.rice : Ecriture ciselée, beaucoup d'émotions...Très bien. Note 9Deuxième lecteur.rice : Le personnage principal est dérangeant, mais vous interroge sur...

le 22 juin 2022

Le Sel de tous les oublis
ThomasHarnois
10

Parcours initiatique dans une Algérie meurtrie

Avec « Le sel de tous les oublis » Yasmina Khadra nous enchante encore en nous emmenant dans un véritable conte initiatique dans lequel un homme brisé rencontre sur son chemin de douleurs milles...

le 24 oct. 2021

Le Sel de tous les oublis
Christlbouquine
6

Critique de Le Sel de tous les oublis par Christlbouquine

Dalal vient d’annoncer à son mari, Adem Naït-Gacem, qu’elle le quitte. Pour cet instituteur algérien c’est le ciel qui lui tombe sur la tête. Il décide alors de tout quitter, de faire son baluchon et...

le 23 oct. 2020

Du même critique

Le Secret de Brokeback Mountain
Lubrice
9

Critique de Le Secret de Brokeback Mountain par Brice B

Ah, qu'il m'en aura fait verser des larmes, ce film. Il en a fait également couler, de l'encre, lors de sa sortie. Film gay ? Pas vraiment. Le secret de Brokeback Mountain fait parti de ces films qui...

le 7 janv. 2011

47 j'aime

3

Le Livre des Baltimore
Lubrice
10

Critique de Le Livre des Baltimore par Brice B

Publié sur L'homme qui lit : L’ébulition de la rentrée littéraire retombe à peine sur les très ennuyeux prix littéraires, que la sphère culturelle s’agite de nouveau, et qu’un seul nom revient sur...

le 3 oct. 2015

30 j'aime

1

Le vent se lève
Lubrice
8

Critique de Le vent se lève par Brice B

Le film commence par une séquence forte. On assiste, impassibles, à la mort d'un jeune homme de 17 ans, mort sous coups des soldats de la couronne pour avoir refusé de décliner son identité en...

le 7 janv. 2011

25 j'aime