Bon. C'est un roman sympathique, qui vogue entre érudition théologique et scientifique et initiation (post) adolescente.
Me sont venus spontanément à l'esprit les noms d'Umberto Eco, pour l'arrière-plan historique, l'intrigue policière et la richesse des références, Gibson, avec les idées duquel on flirte superficiellement ici ou là, plus lointainement les Mondes Urbaines de Silverberg, dont le réseau des Larves et le monde partagé en secteurs plus ou moins étanches sont peut-être une déclinaison, et, malheureusement, Bernard Werber, à la fois pour l'écriture et certains traits de l'imagination.
C'est que je n'aime pas les intrigues cousues de fil blanc qu'on trouve dans ces écritures destinées à l'adolescence, non plus que ces personnages dont les force et faiblesses varient d'un chapitre à l'autre, comme pour donner matière à des rebondissement ad hoc. Le héros principal, vingt ans, orphelin, oscille ainsi, sans que l'on sache pourquoi, entre compréhension fine des caractères de ses interlocuteurs et des événements dans lesquels il trempe, et aveuglement dramatique de certaines évidences à vous crever les yeux - quand on est lecteur, s'entend. Et cela passerait fort bien si l'auteur en faisait un ressort de son caractère : mais il semble qu'il y ait là plutôt maladresse de composition ou d'écriture que réelle intension narrative.
C'est peu de dire que les dialogues sont le point faible de l'ouvrage. Il est vrai qu'il est peu de choses aussi difficiles à écrire qu'un bon dialogue. Mais à ce niveau de maladresse, on passe assez loin en dessous du médiocre. Lourdingues et empesés, ils traduisent plus ce que l'auteur voulait dire que ce qu'un personnage réellement rencontré dira jamais.
Au final, si l'on parvient tout de même à s'accrocher, c'est bien parce que d'une part l'auteur manipule l'anticipation come une métaphore du présent, et qu'il y ouvre des lignes critiques, pas révolutionnaires dans leur nouveauté mais fondamentalement engagées ; et que d'autre part l'entrelacement des intrigues conserve l'attention : on veut savoir comment se rejoignent les différentes lignes et se résolvent les tensions et l'accumulation des dangers tissés à une échelle géopolitique large (Etats-Unis, France, Vatican, Perse, Chine), voire métaphysique.
Métaphysique ? Horresco referens. Sans aller spoiler l'intrigue, disons qu'il n'y a pas là de quoi fouetter un chat, sinon une trouvaille ingénieuse que je trouve pour ma part exploitée de façon hélas assez linéaire et... scientifiquement plus qu'hasardeuse - sans aller jusqu'à parler d'invraisemblance, chacun en jugera après tout selon son goût.
C'est donc lisible, possiblement plaisant quand on a une quinzaine d'année - parce que l'érudition y est réelle, l'intrigue compliquée, la symbolisation de l'époque inventive et le héros jeune. Mais cela n'a pas vocation à rester longtemps dans ma mémoire ou ma bibliothèque.