Comme un parfum de nostalgie auquel je ne suis pas insensible.

Ça y est : trois ans et demi après avoir commencé Du Côté de chez Swann j'ai fini le volume conclusif de la Recherche du Temps Perdu, à savoir le bien nommé Le Temps Retrouvé.


Ironie du livre, celui-ci se finit par l'auteur expliquant les raisons qui l'ont poussé à commencer l'oeuvre et parler de ce qu'il pourrait se passer s'il ne finissait pas cela à temps... ce qui arrivera. Alors certes, Proust n'est pas mort en laissant les choses en suspens, avec une phrase à la fin du manuscrit qui commencerait par "soudain j'ai ouvert une porte et j'ai vu..... argh..." mais on sent que c'était le premier jet et qu'il y a des points qui manquent de retravail.


Ainsi le volume commence littéralement par une dizaine de pages qui sont similaires à celles qui finissent La Fugitive. On sent que Proust n'avait pas décidé à quel endroit faire la césure et les éditeurs non-plus. On a aussi des personnages déclarés comme mort dans les volumes précédents qui reviennent, des incohérences (Robert de Saint-Loup aurait "passé son temps à faire des enfants à sa femme" pourtant dans ce volume, ils ont une fille unique) voire des problèmes de cohérences dans le volume lui même (le narrateur invite Gilberte à diner, puis à la même soirée ne la reconnait plus tant elle a changé avec le temps.)


Le truc, c'est qu'après m'être tapé à la bibliothèque des tonnes de versions du livre, annotés jusqu'à l'extrême avec des préfaces qui faisait le quart du bouquin... mon volume, acheté aux puces, n'en a aucune là où justement j'aurais eu besoin de savoir comment ça s'est décidé.


J'aime beaucoup cette conclusion et il y a pas mal de passages qui m'ont plus : le fait de voir une soirée des Verdurin mais raconté par un Goncourt permettant de revoir les personnages tels qu'ils étaient au début de l'oeuvre tout en changeant le style. Ça aurait été un film contemporain, l'auteur aurait rajouté un film de vacances. Certains passages durant la guerre sont bons : on voit les personnages changer (ou pas) selon cette situation particulière. Pour le coup, je suis pas super fan du passage de l'hôtel montrant un Charlus masochiste, mais ça fait partie des bizarreries de la Recherche (avec le passage où le narrateur montre des penchants pédophiles dans le livre précédant.)


Mais ce qui m'a le plus touché est après la moitié du roman lorsque le narrateur croise les gens qu'il a évoqué au cours de La Recherche, considérablement vieilli et lui-même assez âgé. Bon, certes, ça fait assez bizarre, puisqu'on a l'impression au début du roman que Proust est encore assez jeune (St-Loup et Gilberte venant de se marier) et qu'il est un vieillard à l'article de la mort à la toute fin.


Malgré cette impression un peu brutale de transition, je ne peux qu'apprécier toute la nostalgie, la réflexion sur le fait de retrouver le passé, de voir le temps qui passe, ainsi qu'une réflexion sur l'oeuvre et la vie, que l'on sent poindre dans cette fin de roman. En plus de permettre de boucler la saga de façon quasi-cyclique (l'auteur reparlant de ce qu'il va mettre dans son premier roman et qui se trouve être ce qu'on a vu dans Du Côte de Chez Swann) Proust revient à une forme d'universel qui m'avait manqué : oui moi aussi je ressens cette nostalgie, moi aussi j'ai vu les gens vieillir, moi aussi j'ai envie de les raconter et donc de les retrouver parfois en les écrivant.


Au final, ça me réconcilie un peu avec la Recherche du Temps perdu et surtout les volumes du milieu (du Coté de Guermantes à La Prisonnière) qui racontaient des événements que je trouvais un peu vains et décrivait des personnages que je trouvais détestable : le fait de les voir s'animer une dernière fois, de les voir ayant progressé ou au contraire s'obstinant aux même erreurs m'a fait me les attacher. Je partage aussi avec le romancier le fait que la tristesse de voir des "noms" disparaitre : celui de Swann a été effacé par des remariages successifs, et celui les Guermantes a été à la fois vidé de son sens et appauvri.


On sent la disparition d'un monde qu'on pensait immuable. Et à ce parfum de nostalgie auquel je ne suis pas insensible.

le-mad-dog
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le 2 sept. 2021

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