Le tiers sauvage ou l’auscultation romaniste de la vie d’écrivain

Clara Clossant, apprentie écrivaine, se voit offrir une opportunité unique : devenir l’assistante du nouveau romancier à succès, Marcus Klein, pour mieux l’espionner. En effet, l’écrivain a déjà trois livres derrière lui, mais aussi une carrière dans la finance internationale abandonnée pour une vie artistique. Clara est intriguée : est-il réellement ce qu’il dit être ? Ses romans sont-ils fabriqués de toute pièce pour subjuguer la critique ? Qui est Marcus Klein, au juste ?


Aliénor Debrocq livre ici un premier roman réédité qui déborde d’amour pour la chose littéraire. Elle-même professeure de français et journaliste, elle parsème Le tiers sauvage d’interviews entre ses auteurs fictifs et une reporter, d’extraits de romans écrits par ces personnages, de passages du journal intime de son héroïne, etc. C’est un exercice de style pour l’écrivaine, une recherche marquée par une légère différence formelle en fonction du médium employé pour s’exprimer. Mais dans l’ensemble, l’auteure s’attarde plus sur des détails assez triviaux que sur une envie réelle de créer une « belle forme ».


Réalité ou fiction, pourquoi choisir ?


Découpé en de très nombreux courts chapitres, Le tiers sauvage se lit vite et est accessible. Cependant, c’est un livre sans trame réelle où les questions de réalité et de fiction sont constamment débattues à coup de citations ou de rapides conversations. Le fictif et le réel se télescopent et se contaminent sans cesse mais ne racontent pas grand-chose. «Cet entre-soi intello» tourne un peu en rond et ne passionne pas toujours. Ne faudrait-il réserver ce livre qu’uniquement aux romanistes ?


Si les questions posées sont intéressantes, l’émotion est laissée au loin, les personnages sont peu dessinés et sans grande profondeur psychologique. Qui est vraiment Marcus Klein, dans le fond? Ou Clara Clossant ? Nous n’avons accès qu’à leurs bons côtés, aux raisons qui les poussent à être là, ensemble, mais pas à leurs névroses ou à leurs véritables sentiments. Représentants l’époque, il ne faudrait surtout pas creuser les émotions, mais laisser une distance, comme chez les adolescents. La description de la relation professionnelle des deux protagonistes entremêlée de ses incessantes notes sur le monde littéraire (Musset, Sand, Duras, etc.) font qu’on partage leur vie sans vraiment savoir grand-chose sur eux. Comme deux marionnettes gentiment trimballées par la vraie auteure pour débattre des questions qui l’interpellent, elle, dans ce premier roman (d’été).


Critique publiée pour le Suricate magazine : https://www.lesuricate.org/le-tiers-sauvage-ou-lauscultation-romaniste-de-la-vie-decrivain/

Cambroa
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le 28 avr. 2022

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