Janvier 1901. El Paso, une ville du Texas en pleine expansion, voit débarquer sur son cheval un homme souffrant le martyr, épuisé après un voyage de très longue haleine. Après s’être installé dans une auberge sous le nom d’un shérif mort, l’homme fait appel au docteur Hostetler, les services du docteur étant la seule raison de son retour incognito à El Paso. Mais il faut très peu de temps au fils de sa logeuse pour le reconnaître : l’homme qu’ils ont sous leur toit n’est autre que John Bernard Books, une légende vivante de la gâchette, un tireur hors pair symbolisant à lui seul la conquête de l’Ouest. Lorsque Books apprend qu’il souffre d’un cancer lui laissant quelques semaines à vivre, il organise la fin de sa vie autour de sa mort prochaine.
La célébrité du tireur est telle que la nouvelle de son cancer ne laisse personne indifférent. Sa réputation le précède. Du coup, un mélange de crainte, d’estime et de mépris se dessine chez ceux qui le croisent, à commencer par Bond Rogers, sa logeuse. Entre audace et frayeur, c’est une femme de caractère qui, si elle se cache souvent derrière ses obligations, ne manque pas de courage. Quant aux autres personnages, ils sont pour la plupart l’incarnation des vautours appelés par l’odeur de la mort. Une mort qui pourrait leur rapporter gros. La majeure partie du roman porte donc sur les réflexions de Books à propos du profit que d’autres pourraient tirer de sa mort.
Au gré des gorgées de plus en plus fréquentes de laudanum pour contrer la douleur, on reste au chevet de ce personnage au caractère bien trempé qu’est Books. Dans sa redingote, les deux Remington qui ont fait sa renommée intimident jusqu’au shérif de la ville. Les sentiments qu’il fait naître chez ses contemporains donnent lieu à des confrontations et des dialogues caustiques.
À travers son roman, Glendon Swarthout dépeint aussi la mode et les mœurs d’une époque et d’un lieu pleins de changements. Même si l’ambiance du western imprègne complètement l’histoire, l’époque est à la transition. On assiste avec Books à l’urbanisation d’El Paso : du pavement des rues au tramway tiré par des mules en passant par le téléphone, toutes ces évolutions sont décrites avec précision. On croise même un photographe qui nous explique les mécanismes de l’ancêtre du flash !
Il faut ajouter que l’auteur a une façon géniale de décrire les choses sans ménagement, tellement réaliste lors des fusillades, qu’elle prête à sourire. Rien ne nous est épargné dans les descriptions chirurgicales de la trajectoire des balles à travers les corps. Ce sont pour ainsi dire les détails du passage de la vie à la mort, tout comme le roman est un plan plus large du passage de J.B. Books de la vie à la mort.
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