En refermant ce livre je sens quelques questions qui s'effarouchent au-dessus des autres. Quelle proportion de fiction doit-on insuffler à un roman ? Quelle intention diffuse peut bien concourir à l'élaboration d'un texte ? A-t-on donc le droit de se jeter, sans harnais, dans le grand bain de l'écriture, avec en tête un faisceau de choses qui jusque là ne convergent pas ?
Apparemment oui. C'est un modèle narratif tout à fait déplumé, c'est agréable, c'est pas banal, avec une galerie de personnages qu'on voudrait fictifs - mais non c'est encore vrai, si bien qu'on se demande : Rolin a-t-il inventé la moindre chose pour son roman ? J'ai eu longtemps (une centaine de pages) le fantasme littéraire que toute cette histoire était faussement biographique, et que Meinertzhagen avait été inventé de toutes pièces par Jean Rolin. Que nenni, tout est vrai. Le personnage, les faits reprochés, les références universitaires. Mais au cours de ces 100 premières pages de bévue j'ai eu tout loisir de réfléchir à l'intrication d'un mensonge au sein d'un cadre réel, c'était intéressant, c'était inspirant. Bref, ma lecture a navigué à vue, comme un duvet qui ne parvient pas à toucher le sol et repart, toujours, dans d'autres minces courants d'air.
Un texte d'une facture étrange, questionnante. Côté distractions, outre le formidable lexique ornithologique, on peut dire bonjour à T.E. Lawrence (certes pas sous son meilleur jour) et Wilfred Thesiger : une dose de Hedjaz et de Bédouins ne fait jamais de mal au lecteur que je suis.