[Avis tiré de ma fiche de lecture du livre, d'où le manque de transitions, le caractère descriptif avant tout, etc.]
La thèse principale du livre s’appuie sur la citation de Marx disant que l’abeille ne possède pas le plan de sa ruche en tête avant de la construire contrairement à l’humain travaillant la matière. Par là, une position téléologique est possible dans le cadre du travail humain, c’est-à-dire que l’être social (l’humain) peut se fixer son propre but à travers le travail, alors que tel n’est pas le cas dans les autres domaines (tous ?) de la vie humaine qui sont régis par la causalité pure (sans but, donc).
Lukacs a été très influencé par l’ontologie de Nicolai Hartmann qui est faite d’une « stratification progressive des niveaux d’existence » (par ex. : activité utilitaire, puis hédoniste et esthétique). La société est regardée dans l’ontologie de Lukacs comme un « complexe de complexes » ; chaque complexe étant hétérogène aux autres (le Droit, l’esthétique, etc.). L’introduction de Nicolas Tertulian est par ailleurs excellente.
I – Le travail (T) comme position téléologique possible : Téléologie et causalité ne sont pas antinomiques dans le T, il y a une tension entre les deux. Lukacs distingue deux types de positions téléologiques dans le T :
→La position téléologique classique (l’être social se fixe un but dans son travail).
→La position téléologique consistant pour un être social à faire adopter une certaine position téléologique à quelqu’un d’autre.
Il y a des déterminations évidentes dans les moyens utilisés dans le T (le savoir de l’époque, l’environnement disponible…) pour atteindre le but qui ne peut pourtant qu’être posé par un être social. La conscience est instituante dans le cadre du T et ne se résume pas à un épiphénomène (contrairement à la conscience chez les animaux éduqués par des humains afin d’effectuer une ou plusieurs actions particulières ; l’animal seul dans son environnement naturel ne saurait agir de cette façon…).
L’auteur démontre ailleurs que l’alternative est une catégorie fondamentale du T. L’être social est face à des alternatives lorsqu’il produit un objet. [L’enchaînement des alternatives créé-t-il toujours davantage d’espaces de liberté ?] Le T a aussi pour intérêt d’avoir permis à l’homme de réprimer ses affects/instincts : c’est un progrès vers l’hominisation (le passage du caractère naturel de l’humain au culturel qui est considéré comme un progrès en soi par Lukacs).
II – Le travail comme modèle originel de la pratique sociale : Le T fait naître le langage et la pensée conceptuelle selon l’auteur puisque ces catégories sont exigées par le T lorsqu’il s’élève à un certain niveau (besoin de communiquer parce qu’il y a division du travail, par exemple pour chasser en groupe… ; besoin d’identifier précisément une plante, un animal, un objet…). Le besoin de faire adopter des positions téléologiques à d’autres humains a aussi participé à faire naître le besoin du langage. La téléologie dans le T implique également le devoir comme catégorie fondamentale puisque l’être social se détermine comme ayant le devoir d’atteindre un but fixé a priori.
Lukacs soutient aussi que la valeur est ce qui décide de la justesse ou de la fausseté des choix face à des alternatives et que celle-ci a une assise objective (à travers la valeur d’usage) puisque l’objet répond objectivement (ou non) au bout posé par l’être social. Les différences des valeurs entre les être sociaux créent des conflits.
III – La relation sujet-objet dans le T : La création de la conscience par la séparation sujet-objet permet une maîtrise du corps ; cela montre que cette séparation et donc la possibilité de l’apparition de la conscience est due au T.
L’auteur met aussi en avant le problème de l’ignorance des conséquences suite au choix effectué face à une alternative. Lukacs parle de « liberté de mouvement dans le matériau » pour caractériser cette possible liberté de l’être social. D’ailleurs, même si le T a bcp évolué au cours de l’Histoire, il conserve cette possibilité de liberté.
IV – La reproduction (R) : La reproduction n’est pas la reproduction du même pour l’humain, elle est donc orientée sur le changement par le biais de la téléologie. Lukacs rappelle qu’est compris dans le T l’activité de faire faire quelque chose par un autre humain : de là naît l’astuce, la persuasion… Il rappelle que le social se superpose au biologique dans les sociétés développées. Lukacs rappelle également la divison du T manuel (téléologie classique) et intellectuelle (deuxième type de téléologie). Le T intellectuel s’autonomise de plus en plus dans l’Histoire jusqu’à l’apparition de classes sociales de part cette division dans le T.
Lukacs étudie par la suite deux complexes très opposés : le langage et le Droit.
→ Langage : C’est l’organe de la conscience de la société, il est transformé par la vie sociale tout au étant déterminé par ses propres lois. L’auteur note le caractère universel de la modification du langage. Tout le monde peut provoquer des modifications dans le langage par-delà les classes sociales.
→ Droit : Naissance du Droit dans la relation maîtrise/esclave et autres oppositions sociales qui, surtout, l’accompagnent : créancier, débiteur… Il y a une domination par une classe, mais celle-ci doit souvent faire des compromis avec les autres afin que ces autres classes acceptent le Droit de la classe dominante. Donc le Droit est : domination de classe + compromis de celle-ci avec les autres classes = caractère très complexe.
Enfin, Lukacs insiste sur la socialisation croissante de la société et des êtres sociaux. Il y a de plus en plus de modifications sociales entre les objectifs fixés et les alternatives parmi lesquelles ils doivent choisir. Il y a une tendance au caractère de plus en plus social des humains qui sont donc pris dans des ensembles hétérogènes toujours plus complexes. L’être social tendrait donc vers l’universel.