Critique de Shaynning

Incontournable Mai 2023

Robin a l'impression d'être le seul garçon de son quartier a ne pas avoir de vélo, un rappel quotidien puisque son ami Sergio en possède un. Robin doit donc sans cesse courir près de Sergio quand il le chevauche. Qui plus est, Robin a conscience que ses parents ne roulent pas sur l'or. Même avec son anniversaire approchant, Robin estime qu'il ne pourra pas recevoir de vélo pour des raisons financières. Néanmoins, un beau jour, sa chance pourrait bien avoir tourné. En allant acheté du pain au dépanneur du coin, Robin réalise qu'un billet de banque s'échappe du sac à mains d'une vieille femme, alors qu'elle règle ses achats à la caisse. Personne n'a rien vu: Robin le ramasse. À la maison, quel n'est pas son émois devant le fait que ce billet n'est pas un dollar, mais bien 100 dollars! Il pourrait s'acheter son vélo avec cette somme! Cependant, comment va-t-il expliquer à ses parents le vélo qu'il se serait acheté? Dans l'entrefaite, Robin ouvre la pochette de son sac qui contient le précieux billet...il n'est plus là. Maussade, Robin reprend la route de l'école et il réalisera qu'en fait, il l'avait mit dans "l'autre"pochette. Son vélo est à nouveau à porté de mains! Voilà qu'en rentrant, il croise la vieille dame. Il se remémore alors comment il s'est senti quand il avait cru avoir perdu le billet. Il la suivit donc et l'interpella. En cafouillant, il admet avoir trouvé le 100 dollars. Sur les traits de la vieille femme s'alterne la surprise, puis la joie et enfin la douceur. Elle prend les mains de Robin dans les siennes et lui confie: "Merci Robin. Tu fais ma joie".

Robin se sent alors "heureux et mêlé, en même temps comblé et vidé d'avoir bien agi et d'avoir tout perdu". À la maison, ce soir là, Robin raconte son histoire à sa famille. Admettant que ce Robin a fait N'était pas facile, ils trouvent également qu'il a bien agi et qu'ils sont fiers de lui. Un sentiment que Robin éprouve, lui aussi.

À la fois très pertinent pour son riche registre émotif et psychologique, "Le vélo de Sergio" met en perceptive un dilemme moral. Est-il bien de garder un bien perdu ou vaut-il mieux le redonner à qui de droit quand on connait le propriétaire? Si l'acquisition du billet n'est en rien malhonnête, il ne l'est guère cependant de le garder si on connait la personne. Ce que Sergio expérimente dans cette histoire, c'est le sentiment derrière la perte d'un objet précieux, quand il croit l'avoir perdu lui-même. C'est en vivant ce sentiment qu'il est en mesure de comprendre l'état de la vieille femme. C,est ce qu'on appelle être empathique: la capacité à se mettre dans la peau de l'autre pour mieux comprendre sa situation et son ressenti. Et puis, s'il ne gagne pas son vélo, reste qu'il gagne quelque chose de très précieux aussi: la fierté d'avoir bien agi et rendu une tierce personne heureuse.

Graphiquement, c,est très intéressant. On a une palette de couleur un peu vieillottes, dans les tons sépia, avec des verts kakis, des corails et des bruns. Ça confère au graphisme un côté vintage plutôt original. Même les habits des personnages sont assez intemporels. En outre, les personnages sont de diverses origines ethniques, c'est toujours très apprécié. le trait est rondelette, les angles variés et les illustrations alternent entre pages pleines, mi-pleines et même en cases comme les BD. Les pages de garde sont sympathiques avec leur apparences de reliures de carnets intimes aux noms de Sergio pour celles du début et Robin pour celles de la fin.

Une belle histoire servie avec justesse et douceur sur l'empathie, le dilemme moral et les émotions, signé Maribeth Boelts et illustré par Enzo, qui nous sert toujours des graphismes intéressants et originaux.

Pour un lectorat en lecture accompagné du premier cycle primaire, 6-7 ans et en lecture seule pour le second cycle primaire, 8-9 ans.