Fut un temps pas si lointain, je prenais beaucoup de plaisir à lire les romans de Jojo Moyes. Mais le temps a passé et peut-être le vent a-t-il emporté avec lui une part de mon romantisme, au gré des événements qui craquèlent inéluctablement la vie ?
Toujours est-il que la magie opère moins et qu'à mes yeux de lectrice, le charme sentimental devient de la mièvrerie et que le piment du récit se transforme en sucre caramélisé.
Le nouveau départ d'Alice, l'une des héroïnes de "Le vent nous portera", fuyant son Angleterre natale vieillotte pour s'attaquer au Nouveau Monde (au Kentucky pour être tout à fait précise), aurait pu en effet être porté par un grand souffle romanesque, d'autant que le contexte narratif développé par l'autrice (la bibliothèque à cheval mise en place après la grande Dépression) était prometteur. Hélas, tout cela m'a semblé trop superficiel, convenu et prévisible.
L'accent est mis par Jojo Moyes par le besoin d'émancipation et d'indépendance d'une poignée de femmes issus de milieux sociaux différents mais unies dans un même désir de faire évoluer la société qui est la leur. Dessein louable mais rendu peu crédible par les choix narratifs. J'ai souvent levé les yeux au ciel et soupiré d'ennui pendant ma lecture - ce qui n'est pas bon signe - et les dernières pages du dénouement (conforme à ce qu'il promettait dès le départ) ont bien failli avoir raison de ma patience.
Le récit est si truffé de bons sentiments et d'aspirations quasi anachroniques qu'il semble avoir été produit pour servir de scénario à une série dans la lignée de "Dr Quinn, femme médecin". Même l'esthétisme et les particularismes des années 30 n'ont pas transparu à travers le roman, pas même le contexte économique et social pourtant essentiel pour apprécier cette période sombre (Grande Dépression et Prohibition ayant laissé des traces sanglantes dans l'histoire américaine).
Bref, ce roman est une bluette qui ne tient pas sa promesse d'une immersion dans un épisode socio-culturel novateur des USA mais se contente d'effleurer des thèmes éculés : petite dose de ségrégation, petite dose d'inégalité entre les sexes, petite dose sur la condition féminine et les violences conjugales, petite dose sur l'exploitation humaine dans les mines, petite dose sur la pauvreté et la misère sociale, petite dose sur l'éveil à la sexualité féminine, petite dose de nature writing et grosse dose de guimauve. Emballé, c'est pesé.