Rougon-Macquart #3 - Le manichéisme par la bouffe

Après deux "saisons" plutôt chez les riches Rougon, replongeons un peu chez les pauvres Macquart.

Végétarien avant l'heure

Paris est alors en plein dans la construction des halles, et Zola s'y plonge. Avec gourmandise ? Je ne crois pas. Avec un soin minutieux de la description, certes, mais qui viserait plutôt à nous en dégouter. On est vraiment plongé dans cet entrepôt de la bouffe. On y vit, on y sens les odeurs. Mais on y voit les animaux morts, qui sentent la mort. J'ai commencé par prendre du plaisir à lire ces descriptions par le menu, mais j'ai vite compris qu'il s'agissait de dégoût, ce que Zola voulait nous inspirer. Essentiellement dégoût du trop plein, mais aussi de la mort, car ce qui dégoûte essentiellement le narrateur, c'est la mort animale. Quoique, à un moment, même les fraises posent problème.

Manichéisme grossophobe

Et voilà que Zola nous fait assez peu subtilement comprendre que les gras sont les méchants, et que les maigres sont les gentils. Certes, il ne nous y emmène pas aussi simplement. Le gros, la grasse sont mignons, la gorge engageante (la gorge, quel euphémisme...), et même, tant qu'ils sont pauvres, du moins pas installés, ils sont gentils. Mais dès qu'ils sont installés, c'est fini. On peut aussi remarquer un leitmotiv zolaien : la jeunesse également rend mignon, c'est le passage à l'âge adulte qui est une plaie pour l'homme (et la femme). On peut comprendre : on est gros, parce qu'on mange bien, on mange bien parce qu'on a de l'argent. Mais aussi, on est gros (c'est-à-dire plus gros que nécessaire) quand on veut toujours plus, plus que le besoin vital, et quand la priorité, n'est plus de survivre ni de vivre, mais d'amasser.

La révolution ou la bourgeoisie

Après tout, nous sommes au XIXème siècle (à la fin de ce XIXème quand Zola écrit, au milieu quand on est dans l'histoire), et on déjà compris qu'il ne suffirait pas d'une seule révolution, d'un seul renversement de régime, pour que le peuple triomphe. Et cela, Zola nous le décrit tellement bien. Un gauchiste, certes, lucide et désabusé, mais un gauchiste qui n'a clairement pas fait sa révolution woke (allez, on lui pardonne, j'ai même pas fini la mienne...).

L'histoire m'a finalement moins intéressée que l'ambiance, particulièrement réussie, des petites rivalités bourgeoises dans un microcosme où tout le monde peut réussir à s'allier, si c'est pour le maintien de l'ordre en place, les embourgeoisés contre les révolutionnaires. Cette ambiance est certes caricaturale, mais très réussie. Zola s'intéresse plus aux moeurs, aux alliances de circonstances, aux mesquineries des riches qu'à la révolution. CQFD.

John-Peltier
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le 16 août 2023

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