De cet ouvrage, je ne connaissais que le nom. Parfois il faut faire un effort pour partager avec d'autres son ressenti. J'appartiens à un forum consacré à l'art en général et à la littérature en particulier. Or, il se trouve qu'on s'y fixe parfois des objectifs facultatifs qui peuvent se traduire par des livres à découvrir et celui-ci fait partie du lot. Je n'ai jamais regretté ces choix car les découvertes sont souvent superbes et c'est ici, une fois encore, le cas.

Antonio José Bolivar, dit le vieux, aurait pu suivre bien des voies mais a tout perdu. Il était marié mais il perdit son amour alors qu'ils vivaient dans une forêt qu'il ne connaissait pas. Il vécut ensuite en son sein avec les tribus qui la peuple. Il y apprit beaucoup de ces hommes, de la faune et de la forêt elle-même. Mais cela aussi, il le perdit.

Il échoua finalement dans cet avant-poste de l'enfer vert qu'un cartographe nomma avec beaucoup d'ironie El Idilio. Nichée au bord d'un des nombreux méandres de l'Amazone, la petite cité n'a rien de reluisant. A commencer par son principal édile qui boit pour oublier son exil loin de la civilisation et est bien décidé à compenser en jouant les roi-nègre.

Le vieux, lui, se contente de sa petite cabane, de son dentier et de la lecture de ses romans d'amour. Il part parfois en forêt chasser. Il répare de temps à autre les bévues des chercheurs d'or et des gringos en virée. Il ne s'occupe généralement pas des autres, voit passer les jours et lit ses romans d'amour. C'est en lisant qu'il oublie le monde ou plutôt qu'il le redécouvre. Sage et expérimenté dans la forêt, il explore au fil des pages ce concept étrange qu'il essaie de comprendre et qui s'appelle l'amour.

Lorsqu'un cadavre est retrouvé, le maire a tôt fait d'accuser les indigènes, mais le vieux n'hésite pas à le faire taire en prouvant qu'il s'agit là de l'acte d'un fauve. Il convient d'arrêter l'animal car sa vengeance menace tous les hommes à sa portée. Entre son empathie avec la forêt et son devoir de protéger ses frères humains, s'engage pour le vieux un voyage intérieur où il conviendra qu'il fasse les bons choix pour survivre.

Ce roman est étonnamment court, un peu plus d'une centaine de pages, mais ne nous ménage pas de situations et de personnages riches en caractères. C'est un hommage à la nature qui est rendu au travers du héros qui la connaît et la respecte tant alors que le regard des gringos ne porte que sur l'exploitation. L'auteur a voulu ici rendre hommage à la mémoire d'un de ses amis, Chico Mendes, qui fut un grand défenseur de la cause écologiste en Amazonie dont il défendait le maintien face aux compagnies bien décidées à réduire le poumon du monde à l'état de désert. Il fut assassiné par les hommes de main d'un riche propriétaire terrien.

Le lien qui unit l'homme à la terre qui le porte ne doit pas être perdu de vue. C'est un des messages véhiculé par cet ouvrage. L'humour y est grinçant et montre la vanité des actes de l'homme quand ils dépassent sa mesure d'animal évolué. Luis Sepulveda écrit simplement et justement. Pas besoin de réflexions vaseuses sur des pages et des pages comme dans notre littérature blanche de plateau télévisée. Non, il sait dire les choses justes en quelques mots et atteindre un large champ de lecteurs dans ce superbe roman. Un excellent moment de lecture : bien plus qu'une fable et bien mieux qu'un roman.
Bobkill
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le 24 déc. 2010

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Bobkill

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