Dans un style télégraphique, C.Angot nous raconte à nouveau l’inceste qu’elle a subi. (J’ai lu cet été La littérature sans estomac de Pierre Jourde qui s’attarde sur son style, c’est assez caustique, je vous le conseille). Bref, je m’attendais à quelque chose de mauvais, et finalement je trouve que le style simple est plutôt efficace pour l’occasion. Même si à la longue, les phrases très courtes fatiguent et donne l’impression de lire un script. Vers la moitié, ça devient un « véritable » journal intime, et je me suis ennuyée. Alors pour comprendre, je me dis qu’il s’agit d’une reconstitution. On l’imagine sur son manuscrit à essayer de tirer les souvenirs, et c’est assez intéressant de pouvoir lire un canevas (ou du moins ce qui en donne l’illusion). Puis elle joue avec notre voyeurisme, dès le départ, elle donne, sans périphrase, sans euphémisme, et bon, ben, on fait les vierges effarouchées alors que c’est notre curiosité qui nous a amené à ouvrir le livre.
Il y a donc ce pacte d’authenticité, avec le dialogue qui ouvre le « récit » et puis la répétition de « je crois », qui nous montre que ce ne sera peut-être pas l’entière vérité, mais au moins qu’elle va essayer. Ce qui est bien aussi, c’est qu’elle nous flanque notre nez dans notre propre malaise. Je me suis souvent fait la remarque « j’ai pas envie de lire ça, moi… ». Un peu comme les proches qui se bouchent les oreilles. On ne transige pas avec l’inceste, c’est ce qu’elle nous montre. C’est sale, c’est glauque, ça met mal à l’aise, on veut passer à autre chose. Elle vomit sa souffrance sur nous, on ressent quelque chose (que je n’avais pas forcément ressenti dans les autres autofictions sur le même sujet).


Est-ce que ça dépasse le témoignage pour autant ? Pas vraiment. C’est encore une sorte d’enquête. Le problème (ce que j’ai pu trouver aussi dans Le consentement ou La familia grande), c’est qu’à la littérature se substitue le discours. Angot parle par-dessus Angot, et c’est là où ça perd de l’intérêt. Le déroulé comme elle le fait est suffisamment glaçant (oui, désolée, je n’ai pas d’autre mot, je sais qu’on l’entend partout pour qualifier ces livres), pas la peine d’expliquer sociologiquement l’inceste. C’est comme si (je vais prendre Zola, faut que je me remette aux classiques un peu), dans l’Assommoir, il entrecoupait le récit pour expliquer les tenants et aboutissants de l’alcoolisme. Expliquer, en littérature c’est échouer. Ou du moins, avoir peur d’échouer. Ça ressemble à un nouveau sous-genre, pas documentaire vraiment, pas journal intime non plus, un peu hybride, (on peut penser au podcast « Ou peut-être une nuit » : épisodique, quelques souvenirs, puis recontextualisation, comme pour gonfler le nombre de pages (ce sont souvent des romans déjà courts à la base). On s’inspire des autres médias, on glane ci et là des concepts sur l’écrabouillement par exemple dans le cas de l’inceste, ou l’emprise. Bref, cette forme mi-figue mi-raisin ne me plait pas vraiment, parce qu’il y a beaucoup de redites. Et le style est trop anémique. Lisez à haute voix, vous verrez. Il n’y a pas de rythme, pas de mélodie ; le but est sans doute d’être raccord avec le sujet, de ne pas le rendre « beau » ou « agréable ». Mais je trouve que par exemple, Gabriel Tallent avec My absolute darling, a réussi à rendre ce malaise, sans négocier avec la langue. Donc, voilà, il y a des choses intéressantes, je pense voir où elle veut nous amener, mais j’ai pas trop envie d’y aller.

YasminaBehagle
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le 17 sept. 2021

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YasminaBehagle

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