Je n'écris pas assez critiques de livres, car je ne lis plus assez. Je vais tâcher d'y remédier. C'est un ami qui m'a filé le livre. Lui-même l'avait découvert par hasard. Le quatrième de couverture est éloquent, The Lost Angeles Times affirme ainsi "Si vous êtes croyant, vous ne perdrez pas la Foi, mais vous apprendrez beaucoup. Si vous êtes Athée, vous ne serez pas touché par la Grâce, mais vous percerez les secrets d'une histoire millénaire".
Une fois la dernière page refermée, le retour sur cette affirmation méritera un petit mot conclusif.
Les propos de l'éditeur français, "Les Arènes", se concluent par un très élogieux "intelligent et vivant, écrit avec un talent rare d'historien et d'écrivain, Le Zélote réussit l'exploit de nous raconter d'une manière nouvelle une vie connue de tous." Déjà, à mon sens, se posent les bases des problèmes à venir. Non, 1000 fois non, les lecteurs, chrétiens en premier lieu, ne connaissent que rarement assez justement la vie de Jésus. Je serai bien curieux de savoir combien ont lu les Evangiles, combien en ont compris le sens, combien connaissent le contexte géopolitique romain de la fin de la République et du début de l'Empire. Combien savent que Jésus était juif, combien connaissent sa langue maternelle, combien savent que ceux qui ont écrit les évangiles ne l'ont jamais vu de son vivant. Mieux, combien savent que les 4 Evangiles officielles ont été choisies dans un corpus qui a expurgé, à Nicée en 325, sur injonction de l'empereur Constantin, certains textes.
Le croyant moyen, en France, a été formé par de modestes bénévoles, lors de cours de catéchisme, eux-mêmes, le plus souvent, ne connaissant qu'un substrat léger transmis par l'Eglise catholique et des prêtres plus ou moins au fait de ce qu'ils parlent. Je ne porte pas d'attaque, je ne pars que d'un constat personnel, de la Bretagne à la Provence.
A titre personnel j'ai étudié les bases du christianisme dans un cadre universitaire. Les textes dans le texte, avec toutes les subtilités qui vont avec. Malgré ça, je ne me considère pas du tout spécialiste de la question, loin de là. Or, ce livre mérite un minimum de connaissances.
C'est assurément le principal écueil de cet essai. Qualifié par de nombreuses critiques négatives de prêtres ou de professeurs de théologie de vulgarisation, le texte n'en reste pas moins complexe. Les cartes et la chronologie finale sont indispensables, mais devant la foule de nom, les lieux, il n'est pas toujours aisé de lire le texte en toute sérénité. Il faut prendre le temps nécessaire et, grâce aux notes, solides et nombreuses (la moitié du livre en fait ce qui est plutôt rassurant quant à l'approche scientifique de l'auteur), multiplier les allers-retours. Autre souci, le postulat de base ; si rien n'est frontalement attaqué quant à la croyance en un Jésus fils de dieu, si aucun jugement vraiment religieux n'est porté sur l'homme, force est de constater que le livre démonte littéralement l'écriture des Evangiles. Reprenant un corpus assez connu autour du "Jesus Seminar" et visant à tracer les contours d'un Jésus historique, Reza Aslan n'y va pas par quatre chemins. L'essentiel des Evangiles confine à la pure construction, le procès devant Pilate n'étant, entre autres affirmations, qu'une pure imposture totalement montée de toute pièce.
Le quatrième de couverture affirme qu'on ne perdra pas la Foi ; je gage qu'un Chrétien qui lira le texte sera, à tout le moins troublé. C'est d'ailleurs assez troublant de voir que les Evangiles se font détruire par l'auteur quant à leur véracité mais, dans le même temps, que la critique se fasse à travers des paroles rapportées de Jésus ... dans ces mêmes Evangiles. Si tout est inventé et adapté à un discours politique, on ne devrait pas pouvoir prendre pour argent comptant les phrases qui auraient été prononcées par Jésus selon Marc et autre Paul ...
Dès lors, il sera nécessaire, sans doute, de pousser plus avant les lectures d'autres auteurs, d'historiens, pour comprendre la position de Aslan. A moins de convoquer un tribunal d'inquisition pour un bel autodafé. Car les chemins pris pour définir un Jésus historique illettré et Che Guevara avant l'heure, posent clairement question. Chiite, ancien chrétien, Reza Aslan démonte le catholicisme sans demi mesure. L'approche est stimulante car elle pousse le lecteur à lire autre chose, à confronter les propos, les études. Dans ce sens, comme dans l'approche géopolitique très réussie de la période de la conquête romaine, de la révolte juive qui se fini à Massada en 73, ce Zélote mérite le détour. Mais l'auteur semble prendre appui sur ce qui l'arrange, faisant les choix nécessaires à sa démonstration, sans embrasser l'ensemble du corpus.
Politiquement incorrect pour les Chrétiens, ce regard d'un musulman érudit, dans une période aussi trouble que la notre, est, je le répète stimulante. J'espère que le prochain livre que je lirai de lui consacré à l'Islam sera aussi incisif. Mais je vais commencer par débroussailler le terrain car là, mes connaissances sont vraiment plus réduites.
Un livre très orienté, contrairement à ce qu'affirme l'auteur et le quatrième de couverture. Un très bon moment de réflexion, une (re)découverte de cette période décisive, un véritable questionnement sur la construction d'un mythe, sur le public visé, sur la mise en place d'une nouvelle religion, sur un monde si éloigné et si proche du notre. Mais, c'est assuré, une lecture qui ne doit pas être pris pour seule source mais dans un cadre plus large et un esprit de confrontation des opinions et des recherches.