Leporella
7.5
Leporella

livre de Stefan Zweig ()

Crescenz est une bonne paysanne du Tyrol. Brute de fonderie, la mine taillée à la serpe et des manières tout aussi rustiques. Peu causante, asociale, laide, mais forte et courageuse. Elle abat sa besogne journalière comme un rouleau compresseur écrase le bitume.

Un jour, une bourgeoise de Vienne descend à l’hôtel dans lequel elle travaille et, impressionnée par cette travailleuse austère, choisit de doubler ses gages et l’entraine à la ville à sa suite. La baronne se félicite chaque jour de son caprice : Crescenz la sert avec efficacité et fidélité. Elle est même la seule domestique à parvenir à supporter la tension qui règne dans la maison baronnale : Madame et Monsieur ne se supportent pas, Madame pousse continuellement des cris hystériques tandis que Monsieur contemple la déliquescence des nerfs de Madame avec une petite moue d’une politesse exemplaire mais fort exaspérante.

A la suite d’un incident fort bénin, la domestique zélée s’entiche du maître de maison. C’est le début de la fin. Crescenz prend alors fait et cause pour Monsieur et n’obéit plus qu’à contrecœur à sa maîtresse. La descente aux enfers de la baronne s’accélère encore. A tel point que Madame se voit contrainte de partir deux longs mois en sanatorium.

Une période bénie pour Monsieur et sa domestique. Monsieur rentre de nouveau en galante compagnie (une femme différente chaque soir), tandis que Crescenz (qui n’a pas de désir pour elle-même) se sent honorée de travailler pour un maître ayant un tel succès. Elle ne lésine pas pour que la maisonnée soit rutilante et la courtisane bien reçue. En l’absence du chat, les souris dansent.

Mais toute chose a une fin : le chat rentra. L’hystérie reprit avec plus de vigueur encore. Si bien que Monsieur s’exila huit jours à la chasse. Sur les marches du perron, au moment du départ, Crescenz tendit la valise à son maître et – avec un regard chargé de haine – dit à son maître quelque-chose ressemblant à « Reposez-vous, je me charge du reste ! ».

Vaguement inquiet, le baron partit pour être rappelé de façon urgente trois jours plus tard : on venait de retrouver Madame la baronne morte dans son lit : un suicide ! Un doute ignoble se fit alors jour dans l’esprit du veuf. Si les cris d’orfraie ne tourmentaient plus la maisonnée, une peur sourde les remplaça. Monsieur évitait la domestique autant qu’il le pouvait, rasait les murs et se tenait éloigné de sa maison. Lorsqu’il était chez lui, il s’enfermait dans son bureau à double tour, une boule douloureuse à l’estomac. Dans la maison, Crescenz se comportait comme si rien ne s’était passé…

Une nouvelle où la peur fait son œuvre. Une peur inconsidérée, une peur irraisonnée. Crescenz est-elle coupable ou la baronne a-t-elle réellement choisi d’en finir ? Zweig ne tranche pas mais utilise cette incertitude pour orchestrer une ambiance pesante, délétère.

Captivant !
BibliOrnitho
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le 17 oct. 2014

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