Le Capitaine Richard, ancien instructeur dans l’armée, n’a plus d’argent ni de travail. Il a été un expert militaire mais a été disqualifié par ses doutes et sa tendance tenace à être toujours du côté des vaincus.

« J’étais pointilleux, il me manquait la désinvolture des partisans : c’était ma faiblesse, qu’on ne tarda pas à discerner. Elle était étroitement liée à ma sympathie pour les vaincus, qui me fit souvent exécuter de curieuses volte-face. »

Il va rencontrer Zapparoni, magnat, inventeur et industriel dont les usines construisent des robots lilliputiens pour tous les usages possibles. Zapparoni cherche quelqu’un avec qui l’on puisse « voler des chevaux » ; au-delà des lois, il développe une police et une justice dans son « royaume », pour s’assurer de la fidélité de ses techniciens, créateurs de rêve et de sa fortune.

La relation qui se noue entre le petit et le puissant, la domination de Zapparoni s’incarne au moment de leur rencontre dans la dureté et la fixité de son oeil.
« On eut dit l’oeil d’un grand perroquet bleu, âgé de cent ans. Ce n’était pas un bleu de ciel, ni un bleu de mer, ni un bleu de pierres précieuses – c’était un bleu synthétique, inventé en des pays lointains par un maître qui voulait surpasser la nature. Il étincelait sur les rives des fleuves venus d’autres mondes, dans le survol des clairières. »

Cette place auprès du magnat est-elle pour Richard, ou va-t-elle l’entraîner vers une catastrophe ?

Roman de 1957, « Abeilles de verre » est un livre déconcertant ; le récit n’est pas là où on l’attend. L’intrigue est réduite au minimum et c’est une réflexion, une interrogation constante sur les questions de la morale et du progrès qui se déploie au fil de ces pages visionnaires.

Ernst Jünger évoque ici la disparition du monde d’avant, celui du temps où la guerre se livrait à cheval, la défaite des valeurs anciennes qui se vident de leur sens, et le progrès qui devient répugnant.
« C’était la fin de la cavalerie. Il fallut mettre pied à terre. »

« Abeilles de verre » nous questionne sur le destin de la société moderne et de l’individu qui semblent voués a l’effondrement, sur la nécessité de la révolte, de l’évitement ou la perte d’espoir.
MarianneL
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le 21 juil. 2012

Modifiée

le 21 juil. 2012

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MarianneL

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