Le cinquième roman, Les alchimies, de Sarah Chiche est son premier roman complètement fictionnel qui s’ouvre sur un mystérieux expéditeur d’un mail. Celui-ci prétend savoir où se trouve le crâne du peintre Goya.
Sarah Chiche va développer son intrigue à partir de deux “livres” très différents. Le premier implante le personnage, Camille Cambion, dans une lignée de médecins légistes attachés aux connaissances et à la valeur scientifique des recherches. Implantée dans un service légiste, la narratrice a réussi à faire sa place au sein du service renommée du professeur la Brusse. Séparée de son compagnon, avec une fille adolescente bougonne, Camille consacre beaucoup de temps à son travail.
Le titre du premier livre, Les désastres de la guerre, reprend le nom d’une série de quatre-vingt-deux dessins de Goya à l’époque où il était encore le peintre de cour et des portraits de puissants, avant la déclaration de sa maladie. Cette partie détaille et explique les liens entre sa famille et le peintre.
Le second livre au titre évocateur de Songe de la raison rappelle une estampe de Goya où il s’est représenté endormi pour réaffirmer la prépondérance de la raison et de la lumière de la connaissance. Ainsi, cette partie est racontée par la mystérieuse expéditrice du mail et se mélange avec les souvenirs de Camille Cambion. Sarah Chiche conte le cheminement de sa famille, scientifiques convaincus, après la disparition du crâne de Goya. Elle reprend une des explications fantaisistes concernant la disparition du crâne de l’artiste.
La première partie est implantée dans la réalité des problèmes de l’hôpital public, d’une famille monoparentale et d’une femme travaillant dans un univers assez machisme. La seconde remonte l’histoire jusqu’au XVIIIéme siècle en reprenant des thèses subversives expliquant le titre du roman. Seulement, l’écart est grand. Peut-être trop ! Entre la réalité et la modernité actuelles et l’ésotérisme et le fétichisme de l’autre, il manque de l’équilibre.
Certes Sarah Chiche surprend par sa capacité à imbriquer l’histoire de sa légiste avec celle du peintre. La description de la maladie invalidante du peintre est analysée en expliquant les répercussions sur son œuvre. Elle souligne aussi la modernité de ses productions. C’est décrit sans faire étalage de quelconques superconnaissances. Et, c’est très agréable. Les obsessions littéraires de Sarah Chiche se retrouvent aussi dans Les Alchimies, secret de famille et traumatisme, même s’ils sont traités par son personnage Camille, un double littéraire.
Seulement, ce sont les liens qui posent légèrement problème : des parents, fanatiques de fêtes sataniques, l’utilisation des drogues, certes éclairée, mais peu vraisemblable avec les performances d’études scientifiques. Une Camille très naturelle qui devient porteuse d’une intelligence supra normale admirée par son père. Trop d’éléments qui interpellent l’imaginaire du lecteur et qui l’empêche de s’envoler tranquillement, me semble-t-il.
Le style est toujours aussi flamboyant, avec des phrases travaillées d’une grande intensité.
Alors, un sentiment mitigé m’anime, à la fois admirative car j’ai appris beaucoup sur le peintre, mais, interrogative sur l’univers particulier dans lequel nous plonge Sarah Chiche lorsque son imaginaire déborde !
Sûres, ses alchimies devraient être récompensées par un prix, car ce roman est retenu dans la seconde sélection du prix de l’Académie Francaise. La réponse sera dans quelques jours !
Chronique complète ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/10/22/sarah-chiche-les-alchimies/