Pierre de Ronsard fut très célèbre en son temps puis connut une éclipse de deux siècles avant d'être remis au goût du jour par Sainte-Beuve. Son génie baroque et spontané qui avait heurté le classicisme bien-pensant, est aujourd'hui unanimement salué. Aux morceaux de circonstance écrits d'une plume appliquée, je préfère nettement quant à moi les admirables poèmes dédiés à Marie, Cassandre et Hélène. Ronsard est avant tout le poète de l'amour et, dans ce registre, il demeure d'une actualité saisissante. Personne certes ne peut ignorer que la langue française a connu depuis sa mort une réelle évolution, mais le lecteur contemporain n'en est pas moins toujours séduit par la fraîcheur de ses vers. Certains tableaux adorables - je pense notamment à Marie sortant des bras de Morphée - ont été pris en quelque sorte sur le vif, à telle enseigne que nous avons l'impression en 2022 de vivre l'événement en direct. La même impression se confirme à la lecture d'autres poèmes où Ronsard d'un ton primesautier nous livre ses sentiments les plus intimes. Et justement ce qui chez lui ne cessera jamais de me surprendre et de m'émerveiller, c'est la santé formidable dont témoigne son écriture. Le "prince des poètes" semble écrire sans apprêt, tout à trac, d'un jet alors que, miracle des miracles, son art est si personnel, si accompli. Cette spontanéité un peu rugueuse quelquefois, a su donner vie à des oeuvres fortes, colorées, pleines d'un charme enveloppant. Il faut lire et relire Ronsard.