"Trois amis m'ont déçu : toi, l'Amour et le monde."
Ronsard eut essentiellement, dans sa vie, trois amours : Cassandre, Marie, et Hélène. Héroïnes des Amours, elles se partagent de manière plutôt équitable la vedette, selon un ordre chronologique. (Avec en plus de ça, la présence d'une obscure Astrée et des amours diverses.)
Cassandre, tout d'abord, une jeune femme qu'il ne pourra épouser car il est clerc, et elle se marie à un jeune homme un an après qu'il tombe éperdument amoureux de sa belle. Il l'aimera dix ans, puis s'en détournera en l'accusant de cruauté, car "[...] quand [la jeune fille] devient voire de jour en jour - Plus dure et plus rebelle, et plus rude en amour, - On doit s'en éloigner [...]".
Puis vient Marie, une jeune paysanne simple qui lui résistera et qu'il aimera (je crois) six ans - avant qu'elle ne meure dans des circonstances inexpliquées - d'où une étrange "déception" (cf la citation du titre de ma critique).
Et enfin Hélène, suivante de Catherine de Médicis, qu'il aimera d'un amour plus intellectuel en jurant qu'elle est son dernier amour.
Ronsard réussit l'exploit de n'être ni (trop) répétitif dans le fond, ni répétitif dans la forme. Le fond tout d'abord est évidemment amoureux, mais à tendance antique, lyrique, ou champêtre, légère... Avec des apostrophes, le thème de la nature, de la beauté, de magnifiques descriptions des attributs adorés, le rejet de la part de l'aimée, des réflexions sur l'amour, sa misère et son inconstance... Quant à la forme, on a droit la plupart du temps à des sonnets, ce qui rend le texte plus aérien, ou alors à des chansons, des élégies tragiques et intelligentes, des dialogues même.
Je ne m'explique pas vraiment pourquoi j'ai presque aimé les Amours. L'écriture est évidemment sublime, le sujet classieux et vaste, comme en témoignent les 379 pages... Mais d'habitude, cela ne me donne pas le goût de la poésie. Je crois en fait que ce qui m'a vraiment touchée, c'est que ces Amours reconstituent l'histoire de la vie sentimentale de Ronsard, ses souffrances, ses joies, dépeignant chaque objet de son amour avec singularité et quasi-lucidité. Les Amours, c'est un puzzle terminé, cohérent, beau, bien que très long et parfois, tout de même, un peu lassant. Parce que même en parvenant à renouveler son sujet, il y a un moment où l'ardeur s'essouffle, et où Ronsard semble dire à l'une ce qu'il a dit à l'autre.
A lire comme le formidable roman des tumultueuses épopées amoureuses d'un poète.