Il y a clairement une approche réflexive et critique du cinéma dans les films de Godard. Je m’étais toujours demandé justement en quoi ça se retrouvait dans son travail critique en amont de ses premiers films.
L’ouvrage compile des articles pour la plupart publié dans les Cahiers, certains dans Arts. Dans l’entretien (presque plus intéressant que la plupart des articles) qui préface le bouquin, Godard explique que le travail de critique, c’était un peu de la littérature pour lui, et ça se ressent, souvent au détriment de l’analyse. Globalement c’est inégal : quand il descend un film, c’est souvent bourré de jolies formules mais ça ne dit pas grand-chose du film. L’inverse est vrai pour les hommages mais ça peut donner des choses assez émouvantes (sont très succin mais très bel éloge de Bresson, ou celui de Resnais).
Il y a plusieurs textes qui valent le détour cela dit : le justement célèbre « Montage… mon bon souci », la critique du Faux coupable de Hithcock, pour le coup extrêmement précise dans son analyse, les hommages sincères et très inspirés à Bergman, Mizoguchi, aux Rendez-vous du Diable de Haroun Tazieff ; son texte sur le festival du court-métrage de Tours.
Je lisais en parallèle Le Plaisir des yeux de Truffaut et c’est assez intéressant de comparer leurs deux approches. Je trouve Truffaut beaucoup plus pragmatique et logique dans ses raisonnements ; il ne se perd pas trop dans des jolies formules et on le suit plus facilement dans ses observations (il suffit de voir comment « Une certaine tendance du cinéma français » est structuré, avec un plan, des titres de parties etc., il y a quelque chose de plus méthodique, là où on ne retrouve quelque chose de comparable chez Godard que dans son texte sur Tours mais qui même là est moins précis et plus lyrique).
Pour autant, ça ne veut pas dire que l’approche de Truffaut est froide, au contraire ; ses textes polémiques sont très engagés, celui sur le « cinéma de demain » est écrit avec une passion évidente. Mais le fait qu’il s’exprime avec plus de simplicité, que ses textes se situent quelque part entre la critique, le tract politique et l’hommage lyrique rend les textes de Truffaut plus poignants que ceux de Godard, qui s’écoute davantage parler. Quelque part, Truffaut-critique me semble beaucoup plus pertinent que Godard-critique (de manière amusante ça serait plutôt l’inverse pour Truffaut et Godard-cinéastes).