Quoi de plus banal au cinéma ou en littérature au fond qu'une histoire de couple. Je voulais voir Gone girl de David Fincher à sa sortie, mais je l'ai ratée, comme cela m'arrive souvent. En attendant, je me suis donc penché sur le livre qui a inspiré le film.
Les Apparences est un chef d’œuvre. Le point de départ est pourtant très quelconque et déjà vu. Il est question de la disparition d'Amy, épouse modèle, belle et aimante, sans enfant. Le comportement ambigu de Nick, son mari, et l'accumulation de preuves directes ou non contre lui, ne peuvent que renforcer les présomptions des forces de l'ordre. Le doute subsiste néanmoins car s'il est un coupable en puissance, on peine à lui trouver un mobile pour faire disparaître sa femme, ou pour l'innocenter.
La première moitié du roman, à travers la voix de la disparue, nous fait remonter le temps pour assister à la naissance du couple, à leur départ de New York pour raisons économiques, vers la bourgade d'origine de Nick où le couple désargenté va s'installer dans une vie précaire. A l'origine Amy est le modèle qui a servi d'héroïne pour une série littéraire à destination de la jeunesse, l’Épatante Amy. Une manne financière pour ses parents à l'époque mais depuis la série vieillotte est tombée en désuétude. Le roman pourrait n'être qu'un thriller simpliste sur une histoire de meurtre et de disparition. Mais, l'auteur excelle dans l'art de nous conduire où elle le souhaite grâce à la construction du roman lui même. Celle-ci alterne de bout en bout les chapitres narrés du point de vue d'Amy, puis de Nick. Si comme je le disais, dans la première moitié du livre, Amy raconte le passé du couple pendant les cinq dernières années (elle disparaît le jour du cinquième anniversaire du couple), Nick semble par un jeu de miroirs lui répondre en montrant comment il vit depuis cette disparition incompréhensible. Les révélations fusent pour accréditer sa culpabilité mais en même temps des doutent s’immiscent progressivement entre les pages pour laisser entendre que quelque chose cloche. La seconde moitié du livre intervient comme un couperet et l'on voit s'écrouler toutes nos certitudes de lecteur averti. Le livre prend une nouvelle envergure et remet en cause notre rapport aux deux protagonistes. Je n'en dirais pas plus car l'intrigue est assez diaboliquement menée pour ne pas la déflorer.
J'ai adoré ce bouquin parce qu'il est parvenu à me surprendre sur un sujet pourtant ultra-convenu (l'enquête policière, les poncifs du couple et ses problèmes, l'enlèvement et la course contre la montre...). Bien entendu l'intrigue est relancée par les retournements de situation mais ce qui fait tout l'intérêt et le sel de cette histoire là c'est l'angle très psychologique qui est utilisé par l'auteur qui a une manière très vicieuse d'aborder les rapports hommes/ femmes et la relation amour/ haine. Et que dire de la description très fine qui est donnée des instances, des corporations ou plus simplement des personnes qui gravitent autour de l'enquête (les rapports familiaux qui évoluent à mesure que les indices s'accumulent, le système judiciaire, les enquêteurs, les médias, la population de la ville où s'est installé le couple...). Si généralement avec les thrillers je suis déçu ou frustré par la fin ce n'est pas du tout le cas ici. Gillan Flynn a su conclure en beauté et me surprendre jusqu'à la dernière ligne, au sens propre. Une dernière ligne qui tombe de façon abrupte et que j'ai relu plusieurs fois pour finalement convenir que cela était bien représentatif de l'ensemble. Cela m'a en tout cas donné encore plus envie de voir l'adaptation qui en a été tirée.