Il faut se motiver...

Il faut le reconnaître, Fénelon n'a rien de très attrayant : c'est du vieux siècle, c'est pas glamour, c'est pas très drôle. Mais quand même, ça vaut le coup d'ouvrir ce livre pour découvrir la langue noble et élégante de Fénelon. Et pour un peu qu'on aime les héros épiques et la mythologie, on se laisse facilement embarquer par les aventures de Télémaque, le fils du héros Ulysse, qui quitte son île et sa mère Pénélope pour partir à la recherche de son père dont les errances nous étaient contées par Homère dans l'Odyssée. Télémaque est accompagné et protégé dans son périple par son maître Mentor, derrière lequel se cache la figure de la déesse Athéna, qui a décidé de prendre sous son aile ce prince destiné à régner après son père.
Fénelon avait écrit ce livre pour le fils du roi : c'est en effet en tant que futur roi que Télémaque évolue vers l'idéal humaniste de Fénelon, mélange de culture antique et de valeurs chrétiennes. Fils du grand Ulysse, Télémaque n'a pourtant pas connu son père parti depuis bien longtemps pour faire la guerre de Troie, et a donc tout à apprendre de la vie et toutes ses preuves à faire, tout écrasé qu'il est par la réputation de son héros de père.
A travers ce roman d'apprentissage porté par un souffle épique hérité d'Homère, Télémaque apprend d'abord à devenir un homme : Mentor le pousse à dépasser les propres défauts de son caractère, à dompter son orgueil et ses passions pour aller vers un idéal de modération. Il faut être sage, raisonnable, patient, et surtout généreux, altruiste. Ses voyages l'amènent à rencontrer des peuples et civilisations étrangers qui sont à l'image de ceux qui règnent : un peuple heureux et développé est un peuple qui a un bon roi. C'est ainsi qu'il se forme en tant que futur roi, en apprenant des erreurs des autres, déplorant ces rois qui ont couru à leur propre perte en maltraitant leurs peuples. Un bon roi selon Fénelon est un roi modeste et a le luxe en horreur, c'est aussi un roi bien entouré et conseillé par des ministres droits et honnêtes, enfin c'est un roi aimé, proche de son peuple. Les valeurs toujours récompensées sont le travail, la compassion, et le pardon.
On peut penser que Fénelon est un optimiste. Son idéologie est fondée sur l'idée de progrès : on apprend de ses expériences et l'on peut toujours se repentir et être pardonné.
A la longue quand même, le style épique est usant, c'est bavard aussi, chacun y va de son discours, et les aventures sont trop répétitives, donc on se lasse, et on a hâte que Télémaque rentre à Ithaque, retrouve son père et soit le bon roi qu'il doit devenir. Il est difficile aussi de trouver la résonance de ce discours dans le monde actuel : on n'imagine pas nos hommes politiques portés par ces bons sentiments et ces idéaux certes humanistes, mais qui paraissent simplistes et naïfs aujourd'hui. Même si peut-être que ça ne ferait pas de mal à nos hommes politiques de se pencher sur ce texte...