Les bas-fonds, c'est une pièce courte, noire et violente, qui nous plonge parmi les déclassés d'un système social qui ne se retourne sur aucun de ses démunis. Elle est aussi vivante et excentrique, rejetant romantisme et misérabilisme.
Prendre du recul. L'expression semble impliquer une élévation, prendre de la hauteur pour embrasser quelque chose du regard. Les Bas-fonds nous proposent, en quelque sorte, l'expérience inverse. Et d'en bas nous prenons ce recul qui renvoi dos à dos nantis et gueux de tout poil, le bourgeois, l'ouvrier, sans compter l'aristocratie qui a commencé son naufrage depuis longtemps déjà. Tout occupés qu'ils sont à faire valoir leur classe, aucun n'aidera cette lie humaine qui s'accumule dans l'asile de ces Bas-fonds.
Gorki privilégie un foisonnement continue de personnages et de situations autour d'un vaudeville assez classique, multipliant les points de vues, et dynamisant une pièce au fond terriblement statique : car ces bas-fonds sont un mouroir, où viennent sans espoir ceux qui n'attendent plus que la fin. On y crève sans lumière.
"Veux-tu mon avis ? Ne fous rien. Sois une charge pour la terre.
-Oui... Tu parles... J'aurais honte devant les gens.
- Laisse tomber ! Les gens, eux, n'ont pas honte de ce que tu vis plus mal qu'un chien."
Les Bas-fonds a été adapté au cinéma par Jean Renoir (pas vu) et Akira Kurosawa (vu et fort apprécié, malgré les réserves que beaucoup semble avoir pour ce film. Il faut dire que Kurosawa fera plus tard, avec le beau Dodeskaden, quelque chose d’éminemment plus personnel sur des thèmes similaires).