Les boxeurs finissent mal... en général par madamedub
Lionel Froissat, journaliste sportif passionné, nous narre en « 12 rounds » 12 portraits de boxeurs. Le titre ne vous aura pas induit en erreur, Les boxeurs finissent mal en général retrace le parcours de 12 personnages dont le parcours aura marqué la boxe, et dont la fin aura défrayé les chroniques…
En va-t-il comme des histoires « d’A » pour reprendre la chanson ? Les boxeurs finissent-ils mal en général ? Pour beaucoup, la violence de ce sport ne peut qu’entraîner la déchéance de celui qui s’y adonne avec trop d’enthousiasme ; tôt ou tard, il rencontre plus fort que lui. Mais ne nous y trompons pas, la boxe n’est même pas dans le top 5 des sports les plus dangereux, et arrive bien après l’alpinisme, l’équitation ou les courses automobiles…Peu de boxeurs sont réellement morts sur le ring. Quelques cas célèbres, contredisent cet énoncé ; celui des combats de Benny Kid Parret contre Emile Griffith, et Deuk-Koo Kim contre Ray Mancini, dans les années 80. Ces combats avaient tellement choqués l’opinion publique que la boxe ne fut plus retransmise en direct sur les chaînes gratuites aux Etats-Unis pendant près de 10 ans. Deuk-Koo Kim et Benny Kid Parret ont ceci de touchant, c’est d’avoir incarné un peu le rêve américain du sportif qui avait tout misé sur la boxe pour s’en sortir. Pour le jeune coréen, c’était même son premier combat face à un détenteur du titre. Sa mort, des suites du combat quelque jours plus tard, entraînera le suicide de sa mère et de l’arbitre, mais aussi des réformes importantes dans le domaine de la réglementation : de 15, les rounds furent ramenés à 12, et autorisation fut donnée à l’arbitre de compter jusqu’à 10 quand il le juge nécessaire.
Mais la mort sur le ring n’est presque pas la fin la plus tragique qui soit embusquée sur le chemin du boxeur. Comme pour beaucoup de jeunes pour qui la gloire survient trop tôt, trop fort, trop vite et de façon trop éphémère, le succès et ses vices firent tourner beaucoup de têtes. L’alcool et la drogue reviennent comme les principaux fléaux du sportif, qui doit pourtant s’entretenir dans une discipline de fer. Le célèbre Charles Sonny Liston perdit sa ceinture de champion du monde des poids lourds face à un jeune Mohammed Ali déchaîné. Il reste un boxeur emblématique mais sera retrouvé mort chez lui à Las Vegas, d’overdose vraisemblablement.
Le boxeur français Laurent Dauthuile, dit le Tarzan de Buzenval, faillit arracher de peu sa ceinture des poids moyens à un Jake Lamotta revenu à lui au 15ème round. Sa carrière impressionnante, qu’il prolongea en tant que catcheur, ne l’empêcha pas de sombrer dans la bouteille et de disparaître dans l’anonymat.
La boxe, on le sait, a souvent fait que trop bon ménage avec la mafia. L’histoire des paris, il faut le reconnaître, est intimement mêlée à celle de la boxe. Le jeu d’argent a souvent pris l’ascendant sur le sport. Si Jake Lamotta reconnu avoir truqué son combat avec Billy Fox afin que la mafia le laisse concourir au titre de champion, il a toujours nié que son match avec Cerdan, match au cours duquel il devint champion du monde des suites d’une blessure à l’épaule de son challenger ait pu être arrangé. C’est un milieu, on l’aura compris, où il fait bon avoir de bonnes relations sociales et politiques. Mélangeant toujours engagements politiques et combats sur le ring, le boxeur nicaraguayen Alexis Arguello milita farouchement au côté de la cause sandiniste, avant d’être privé par son propre parti de toutes ses possessions. Il sera retrouvé mort, une balle dans la poitrine, des années plus tard, après avoir prolongé son engagement en devenant maire.
Lionel Froissat évoque également quelques accidents célèbres ou spectaculaires : celui bien sûr du boxeur Marcel Cerdan, mort d’un accident d’avion alors qu’il retournait aux Etats-Unis disputer un match retour face à Jake LaMotta. Ou encore l’accident des suites d’une anesthésie de Harry Greb, qui ne se réveilla jamais après une opération chirurgicale du nez.
D’autres parcours mériteront la lecture encore, tant il est vrai les boxeurs finissent mal mais ont également la peau dure.
Lionel Froissat adopte un style différent pour chaque round, entre dans la peau de son personnage et adopte ses manies, ses peurs, ses passions et ses folies. Il s’agit bien sûr d’un roman, ce que l’on serait presque tenté de regretter. Après-tout on voudrait en savoir d’avantage sur le combat « de l’année » qui permis à Jake Lamotta de revenir à la vie au dernier round et de triompher de Laurent Dauthuille qui le menait largement aux points. Ou encore sur le combat qui opposa Sonny Linston, à un jeune Mohammed Ali prêt à en découdre.
On regrettera que certains passages soient trop convenus. Celui de Marcel Cerdan évoque l’inévitable relation amoureuse avec Edith Piaf, et sombre dans un sentimentalisme attendu.
Ce livre a le grand mérite de nous familiariser à ces figures incroyables du sport, ces hommes différents, et pourtant communs dans leur goût de l’extrême, cette quête qui trouve difficilement sa satisfaction.
Le livre se conclue sur un chapitre dédié à Myke Tyson, comme pour nous laisser sur un boxeur qui ne finit pas si mal, finalement, preuve que les généralités sont là pour être contredite.
Emma Breton