Je n'avais jamais entendu parler de André Hardellet avant de lire récemment son nom dans le livre "Comme un roman" de Daniel Pennac. Et ce nom était cité dans une liste comprenant Marivaux, Beckett, Proust , Gracq, Kafka, excusez du peu... Je me suis donc procuré "Les chasseurs" , écrit en 1966 et la suite " Les chasseurs deux" écrite en 1973. Je ne regrette pas d'avoir fait l'effort de dénicher cet auteur.
Bon, il s'agit ici de poésie et je suis mal équipé pour discuter ce genre de littérature. Les deux ouvrages sont des recueils de poèmes en prose principalement. Et autant vous prévenir, on est là dans une poésie dangereuse, surréelle, presque science-fictionnesque. On y découvre un jeu langagier qui flirte avec l'absurde (Breton approuvait Hardellet apparemment) et s'amuse à enfouir des pépites de sens qui n'affleureront qu'au regard du lecteur qui prendra son temps. Perso, je trouve la poésie de ce monsieur Hardellet fascinante....
Hardellet nous parle de mondes qui se croisent, et parfois se télescopent, celui de la réalité, celui du rêve, et celui de la mémoire. il nous donne à voir les intersections et empiétements de chacune de ces réalités, au point que le souvenir se mêle à la prescience et le passé mémoriel au futur certain. Et l'on a en le lisant le sentiment d'être comme une fusée traversant des dimensions accolées. Dans le superbe " Le passé indéfini", un enfant cours vers son avenir, vers ce peloton d’exécution qui l'attend dans un futur inévitable et arrive juste à temps pour assister (et être victime) de la salve. Impressionnante narration.
Il y a des zones d'ombres, une angoisse kafkaïenne dans cette poésie. Une scène de chasse bucolique vire à l'énigme totale, des situations labyrinthiques se créent qui ne sont pas sans rappeler des paradoxes temporels. Étonnant. Un poème " Le grand Hotel", vous trouve sortant d'une gare inconnue et confronté à un décor vide, une ville fantôme, en attente du Narrateur qui vous sortira de ce néant, comme si vous étiez par mégarde entré trop tôt dans le poème en construction. Le thème de l'enfance, de l'école, semble récurrent chez ce poète, comme l'est la présence inquiétante de forces hostiles, voire totalitaires, comme l'armée ou la police.
Je préfère le deuxième "Chasseurs" au premier, celui écrit en 1973 donc, pour cette plongée bizarre dans des perceptions parallèles du temps ou de l'espace. Mais je ne fais que découvrir cet auteur qui m'a clairement bluffé.Je vous le recommande d'ors et déjà!