Curieux ouvrage que Les chasseurs noirs : parmi la multitude de monographie sur des unités militaires, celle-ci se démarque amplement par son sujet à même de ne pas intéresser que les passionnés. Christian Ingrao parvient en effet un tour de force en s'attaquant à l'étude d'une unité qui semblerait on ne peut plus commune sur le Front de l'Est, mais dont la composition et le fonctionnement sont des plus originaux.
La brigade SS Dirlewanger est en effet une unité de braconniers et de repris de justice, dont le leader, Oskar Dirlewanger, est un alcoolique, pédophile notoire. La particularité de ses membres est leur manque total de retenue et leurs capacités de chasseurs. Leur mission : traquer les partisans et sécuriser les arrières de l'armée allemande sur le Front de l'Est. Leurs méthodes : massacres de sang-froid, battues géantes et compétences au tir élevées. Car les premiers hommes de cette unité étaient avant tout des braconniers, dont les tactiques et capacités dans le domaine de la chasse devenaient de véritables atouts dans la lutte anti-partisane dans les forêts de l'Europe de l'Est.
Christian Ingrao raconte donc leur histoire. Depuis la création de cette unité, en 1940 sous ses premières formes, jusqu'à son éclatement sous la pression des offensives soviétiques en 1945, en passant par les traques en U.R.S.S entre 1941 et 1943 et la répression de l'insurrection de Varsovie en août-septembre 1944. Le chemin de cette division fut littéralement pavé de cadavres et teinté de sang en grande quantité. Pourtant, leur valeur martiale était des plus médiocres. Alcooliques, indisciplinés, leur effectif ne cessera de fondre lors des combats, les pertes s'accumulant aux défections, notamment lors des affrontements contre des forces régulières, où ils ne brillèrent jamais. C'est par leurs nombreuses exactions et massacres sur les populations civiles qu'ils se démarquèrent davantage, provoquant même l'indignation d'autres unités SS et des autorités du Reich !
Très vite, devant la pénurie d'effectifs ébranlant le IIIe Reich à partir de 1944, de plus en plus de prisonniers de droits communs ou politiques viendront regarnir les rangs de cette unité si spéciale. Bon nombre de ces derniers, incarcérés pour avoir été communistes, n'hésiteront pas une seule seconde à se rendre et même à changer de camp lorsque la brigade, devenue division, sera alignée face à l'Armée Rouge.
C'est cette histoire édifiante que nous raconte donc Christian Ingrao dans Les chasseurs noirs, excellent ouvrage nous présentant jusqu'à quel point l'atrocité de criminels endurcis et de personnes malsaines peut s'exprimer lorsqu'il lui est laissé libre cours.