Critique de Les Choses qu'ils emportaient par Hard_Cover
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le 1 juin 2012
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Faulkner disait que nous disposons tous d’un territoire pas plus grand qu’un timbre-poste, et que ce qui importe n’est pas sa superficie mais la profondeur à laquelle on le creuse.
Avec Tim O’Brien, que ceci résonne fort. "À propos de courage", paru en 1990 sous le titre "The things they carried", raconte en vingt-deux chapitres l’expérience de la guerre du Vietnam, dans un livre d’une force inoubliable.
Dans "Les choses qu’ils emportaient", premier chapitre du livre, les soldats emportent des milliers de choses - des porte-bonheurs, des lettres, des pêches au sirop au boîte, du fil dentaire, une fronde, une hache de guerre, des casques en acier, des grenades, des mines, des armes -, mais ils portent aussi la terrible puissance des armes qu’ils emportent, ils portent les maladies, les virus du Vietnam, ils portent le pays lui-même, sa terre et ses ambigüités ; ils portent l’intangible, le chagrin, la terreur, l’amour, la nostalgie et leur réputation. La force du récit est contenue dans ces liens que l’écrivain tisse entre l’expérience intime, les conflits intérieurs du soldat, et les événements et objets extérieurs de la guerre.
L’auteur raconte l’horreur de la guerre, et toute son ambigüité, l’ennui et la monotonie, la peur, la culpabilité, la mort des illusions sur soi-même, la mort tout court, et puis certains moments de beauté, de calme, l’envie de déserter, de s’envoler loin de la zone des combats et enfin, quand la guerre s’arrête, le manque profond de ne plus faire partie de cette communauté de combattants, la douleur de ce ressenti qui ne peut être partagé et qui parfois est fatal.
Tim O’Brien crée des histoires qui soignent, qui maintiennent les morts en vie et permettent de continuer à vivre, après cette expérience humaine ultime et déchirante – mais surtout il nous montre, par ses commentaires intégrés aux récits, comment il fabrique des fictions pour dire la réalité. Les histoires sont fictives mais les émotions plus réelles et puissantes que celles de n’importe quel autre récit de guerre. La vérité est toujours relative, fluctuante, c’est aussi la grande leçon d’humilité de Tim O’Brien.
«Si, à la fin d’une histoire de guerre, vous vous sentez ragaillardi, ou si vous avez l’impression qu’une parcelle de rectitude a été sauvée d’un immense gaspillage, c’est que vous êtes la victime d’un très vieux et très horrible mensonge. La rectitude n’existe pas. La vertu non plus. La première règle, me semble-t-il, est qu’on peut juger de la véracité d’une histoire de guerre d’après son degré d’allégeance absolue et inconditionnelle à l’obscénité et au mal.»
«Cette histoire me réveille.
Dans les montagnes, ce jour-là, je vis Lemon se tourner de côté. Il rit et dit quelque chose à Rat Kiley. Puis il esquissa un demis-pas bizarre, sortant de l’ombre et se retrouvant en plein soleil, et le chargeur piégé de 105 explosa et l’envoya dans un arbre. Il y avait des morceaux suspendus partout, alors Dave Jensen et moi-même reçûmes l’ordre de tout nettoyer et de récupérer les morceaux. Je me souviens de l’os blanc de l’un de ses bras. Je me souviens des morceaux de peau et de quelque chose de jaune et de mouillé qui devait être les intestins. Le carnage était horrible, et je le porte en moi. Mais ce qui me réveille, vingt ans plus tard, c’est Dave Jensen en train de chanter Lemon Tree tandis que nous ramassions les morceaux.»
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Créée
le 27 août 2013
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