Les Chutes par BibliOrnitho
Je ne sais par où débuter pour décrire ce livre.
Joyce Carol Oates y aborde beaucoup de choses : amour, trahison, développement d'une région (sa région natale) touristiquement et économiquement, aspect historique, balbutiement d'une conscience écologique, et les Chutes du Niagara qui sont au cœur de ce magnifique récit.
On passe beaucoup de temps aux côtés d'Ariah Litrell, fille de pasteur et jeune femme innocente tout récemment mariée. A la suite d'une soirée bien arrosée (durant laquelle elle découvre le champagne et de ses effets sur elle) et d'une nuit de noce au cours de laquelle elle dormira peu (et au cours de laquelle elle fera d'autres découvertes d'un autre ordre), elle se réveille seule et quelque peu perdue. Son époux semble absent. Elle l'attendra une grande partie de la journée, surprise, puis inquiète avant de se retrouver au poste de police où il lui est annoncé qu'elle est désormais veuve. Potentiellement veuve. Car, si on a aperçu un jeune homme se jeter dans les Horseshoe Falls, aucun corps n'a encore été retrouvé. Durant sept jours et sept nuits, Ariah accompagnera les équipes de recherches. « La veuve blanche des Chutes » est alors remarquée par Dirk Burnaby, un brillant avocat qu'elle épouse un mois à peine après son premier passage devant monsieur le maire. Dix ans de bonheur attendent le couple et trois enfants naîtront de cette union. Avant le retour de la malédiction attachée à ses pas. En parallèle des Chutes « géographiques », apparaissent des chutes « sociales » : Ariah (une femme bouleversée, névrosée, mais fière, digne) et ses trois enfants se trouvent subitement sans ressource. Ou presque. Sans ami. Sans famille. Quasi indigent dira Ariah.
Ce livre n'est pas qu'une ode à la famille, à la citoyenneté américaine. C'est aussi un plaidoyer écologique qui stigmatise le fantastique développement de l'industrie chimique de cette partie des Etats-Unis et des bouleversements incommensurables subit par l'environnement au cours des Trente Glorieuses.
Un livre superbe. Tous les superlatifs qui me sont venus à l'esprit au cours de ma lecture me semblent aujourd'hui vains. L'écriture de Joyce Carol Oates est égale à elle-même et prend pleinement son envol. De digressions en parenthèses et de parenthèses en digressions, l'auteur nous dévoile une intrigue parfaitement ficelée, en en distillant les clés au compte-goutte savamment enrobées dans une foule de détails campant des personnages fouillés avec minutie.
Je tends l'oreille et entends, au loin, le grondement sourd et omniprésent des Chutes du Niagara.
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