Le jeu des larmes
Contrairement à ce que leur titre peut laisser penser, les Complaintes de Laforgue n’ont rien d’un recueil larmoyant. Il est même parfois franchement drôle : « Puis, fou devant ce ciel qui toujours...
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le 6 déc. 2019
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À toi, baiseur frondeur, aux phases ineffables,
Écrivant dans la nuit des vestiges de deuil :
Je pastiche pour rire
- Et pour me souvenir -
Tes chansons de minuit où voltigent les feuilles
D’un automne grondeur. Pfeuh ! l’incipit de fable !
Une strophe
Et puis pof !
Un refrain
Drolatique
Pour regain
Mélodique !
Brisons là l’hommage. Mais au fait, commençons !
Singeons tes vers, ton adolescence tantrique,
Ton Çakiyamouni
(Ce prophète permis)
Qui remplace, dans ta métrique asymétrique,
Celui-dont-on-ne-doit-plus-prononcer-le-Nom.
Car un Christ
Pas trop triste
En vaut deux
Par chez nous.
(Moins pour ceux
En burnous.)
Cher poète, en commun nous avons, finissants,
Nos âges de laiton, commencés tout en or
Par des hommes de feu ;
Poursuivis par des gueux
Rotant leurs désespoirs mais penchant à bâbord
Sur le bateau tardif de nos siècles de sang.
Les césures
Sans mesure
Continuent,
Se divisent
Sans ret’nue
- Mais exquises !
Quitte à tanguer trop fort, chavirons en beauté !
Du flambeau la lueur sur les choses vacille :
Au point du jour décroît
Le vieux chêne des rois ;
Car la Volonté - cette âpre, infidèle ancille -,
Mécontente, a donné ce figuier raboté.
Vieil Arthur,
En pâture,
J’ai donné,
Sous mes voiles,
Ta pensée
Amirale.
Un poète est l’ami que le Temps a vomi.
Le blason des morts-nés, et l’ombre terrifiée
Fredonnant lentement
Son lointain hurlement ;
Marc rembruni des crépuscules torréfiés,
En recherche des aubes roses qu’il omit.
Henry Ford
En rit fort.
Possédés,
Ne le sommes
Que par des
Laudanums.
Car les hommes d’ici, en Pierrots déboursés,
Hagards et sans plus de lune pour qui danser,
Comme en brumes diaphanes
Des belles nuits rhénanes,
S’évaporent à crédit, et leurs âmes tancées
Hosannisent leur fuite de gibier coursé.
J’ai bien ri
De ces cris
Guimauvés
De bonn’ gens.
Vous, sauvés,
Par l’argent ?
Des chers lieux d’autrefois, revus d’après ces choses,
Il vaut mieux oublier l’éternel non-retour.
A l’eau-faible gravés,
Les portraits dépravés
Des génuflecteurs du temps, sphincters de secours,
Orneront l’horizon dépeuplé qu’ils arrosent.
Sous les hêtres
Ils vont paître
La semence
De nos vies.
Quand je pense
Qu’Il sévit !
Dans l’attente de l’aube, arrimons les anneaux
Du supplice. Et alors, sous la lampe crevée,
J’en tire un, goutte à goutte,
Pour les gouverner toutes
Et les lier, dans la pénombre les rêver,
Sans bâtir le navire, ignorant les canaux.
Mais j’ai peur
De leurs pleurs
Vénéneux,
A ces femmes
Aux beaux yeux
D’oriflamme.
Sujet d’amour, sans plus de roi, sans plus de foi ;
Cette essence meurtrie qui inonde, vermeille,
La Substance étouffée
De ces dames les fées,
S’est trempée de soleil - poussiéreuse parfois -,
Pour montrer au monde ses immondes merveilles.
Et j’aimais
Les aimer,
Ces rondeurs
Égrenées
Aux pudeurs
Vénérées.
Aux voyages d’antan, n’ai plus d’ancre à donner.
Si je montre mon cul, c’est à Mathusalem,
Déchaîné, renchaîné,
Qui arrive en traînée
Dans mes heures d’oubli - et il croit que je l’aime ! -
Pour mendier des moments aleajactaés.
Les calices
Sont en lice
Pour le Sein
Sacrement.
J’en bois un
Goulûment.
Ravagée par le mal - diagnostic : clitonite -,
Clio la belle est morte et refile son jus
Au passant que Nous sommes ;
Sans aller jusqu’à Rome,
Le Temps se contracte en la devise que j’eus :
I have only one wrinkle and I sit on it.
Et la Muse
Qui s’amuse
Jette en l’air,
Aux ruelles,
Ses salaires
Menstruels.
J’ai moins de souvenirs que si j’avais dix ans.
Une armoire bien vide - un herbier à pistils
Gardant secs tous les Spleens,
Les amours alcalines -,
Cache mal l’assommoir tout ferré qui distille
Un éther trop tourbé pour remède au Néant.
Une strophe
Et puis pof !
Le retour
Giratoire
De mon tour
Rigolard !
Pour le monde il est temps de laver sa mémoire.
Phénomènes en bloc, sac à Beau, je sais, mais
J’aimais mieux, dans mon verre,
Rassembler la misère,
Et donner à celui qui ne lira jamais
Ce poème trop long, l’exorcisme des soirs.
Les premiers,
Les derniers,
Qui est qui ?
Sous l’pommier
Sont enfouis
Les deniers.
Au second Sieur « Semelles de Vent », ou quasi,
Dont la gloire a failli, né parmi les génies
Foisonnants - quel dépit ! -
De ton temps trop petit,
Clamant haut l’éternel lamasabachtani,
A toi, j’offre un presqu’alexandrin : voici.
Au pendule
Du recul :
Qu’il connaisse
Ce qu’il sonne.
Si omnes,
Ego non !
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Créée
le 15 mai 2024
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le 15 mai 2024
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Un recueil assez hermétique de poèmes en vers libre, dont la lecture va néanmoins en s'éclairant. Le travail de la langue n'est pas inintéressant, il y a notamment foule de néologismes, mots forgés...
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