L'anticipation scientifique fait souvent un pitch de départ plus ou moins crédible. Alors quand il s'agit d'Isaac Azimov, avec son passé tant de scientifique que d'écrivain a succès, je me suis suis plongé dans le livre avec entrain, en espérant que le livre soit à la hauteur de la réputation de l'auteur.
Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que je suis resté sur ma faim. Le livre n'est pas déplaisant à lire, loin de là. L'écriture est fluide, habile et prenante, pourtant il manque un certain nombre de choses pour en faire un excellent livre.
J'ai noté par exemple de nombreux passages avec des ruptures de rythme et surtout un style d'écriture qui vieilli mal. Autant le style romantique d'Edgar Allan Poe est définitivement moderne et très captivant, à l'instar d'un Oscar Wilde, ou d'un Conan Doyle, autant le style d'Azimov m'a souvent fait tiquer dans ce roman. L'emploi intempestif du passé simple et son mélange entre tournures de phrases modernes et plus vieillottes passe quelques fois avec difficulté.
Quelques images sont aussi un peu déroutantes, comme lorsque vers la fin du livre, on évoque le négatif d'une photo. Si ce genre d'image passait très bien il y a vingt ans, maintenant ça la fout mal.
Par ailleurs l'émancipation scientifique reste un peu dans les starting blocks. Les courants de l'espaces ne restent qu'un principe assez vague et manquant un peu de force pour porter le roman sur les rails de la crédibilité. Sur ce terrain, je préfère mille fois un Charles Sheffield, plus direct, plus méthodique.
Mais je ne peut pas juger le livre pour ça, car il faut aussi le replacer dans son contexte. Les années cinquantes avaient un style, au même titre que nous en avons un à l'heure actuelle.
Non, ce qui me gêne plutôt, c'est la construction du livre. L'histoire est complexe, mais le montage manque de punch et de suspens. La plupart des rebondissements tombent à plat, car ils sont amenés par des dialogues très convenus et souvent assez mous.
Ça laisse un arrière goût un peu aigre parce que la matière est pourtant là pour donner de bons contre pieds à la trame centrale. Dommage.
Il y a également un ou deux point de départs pour des trames parallèles, mais elles perdent vite en dynamisme et en intérêt.
Les personnages secondaires et principaux se confondent par ailleurs pour donner un petit imbroglio mais sympathique celui-là. C'est la surprise qui relève le niveau. Autant le personnage de rick perd rapidement tout intérêt pour ne devenir qu'un faire valoir, autant la trame se densifie avec l'arrivée des grands écuyers et de l'artillerie lourde que constitue Trantor. Un prémisse au cycle de fondations. Cette densité est bienvenue également car elle donne un aspect machiavélique et politique au roman. Ça sauve les meubles, certes, mais ça redonne le coup de boost qui permet de ne pas décrocher.
Par ailleurs l'apparition du concept racial m'a surpris, avec la mise en lumière des Floriniens et de leurs chevelure rousse, mais surtout du personnage venant de "Libair", le Docteur Junz. Cette apparition est loin d'être anodine puisqu'elle tombe en plein dans lé période de la lutte pour la fin de la ségrégation aux États-Unis. Un soupçon d'engagement politique ?
Donc l'alchimie fonctionne quand même, pas exactement comme on pourrait le penser, ni avec maestria, ni avec une histoire impressionnante, mais ça fonctionne. Le livre se lit avec un intérêt constant, malgré quelques anachronismes (un comble) et une construction un peu maladroite. Un bon moment, et l'occasion de découvrir le maître au milieu de son oeuvre, entre les fondations et les robots. Une occasion enfin de voir que même les plus grands ont un jour débuté, et que tout s'apprend, se peaufine pour atteindre le top en matière de SF. L'auteur le dira lui même avec humilité en parlant de la pression des fans pour lui faire écrire une suite aux trois premiers tomes de fondation : il ne s'attendait pas à un tel succès, surtout avec les débuts difficiles de son premier éditeur, qui a sombré avant de lui donner la reconnaissance qu'on lui connaît.
C'est aussi ce côté que j'apprécie chez ce grand monsieur. Tout le monde peut y arriver avec de la persévérance. Merci pour ça !