C'est un roman sensible, réaliste et drôle qui place un homme, un professeur de philosophie d’une maturité certaine dans un monde qu’il espère ouvert pour contenir plus que l’avenir et la concrétisation de projets immédiats. L’accès à d’autres possibles non prévisibles l’attire. Est-on libre d’espérer ? Ou l’espérance nous maintient -elle dans un présent prévisible ? Dans la thématique du livre, on touche le point où l’enseignant, l’homme et l’auteur ont quelque chose à se dire.
La philosophie peut parfois retenir l’homme par l’espoir. Le professeur retient certains élèves par l’approche de concepts, de démarches intellectualisées pour structurer sa compréhension et sa pensée. L’auteur retient sa vie en écrivant ses amours, ses joies et ses désillusions. L’ennui dans l’enseignement, l’habitude du scénario créent une lassitude. La vie et ses déboires, comment ne pas se mettre à boire? Un verre de plus chaque soir pour espérer le lendemain une nouvelle histoire.
Ce livre est une illumination à la pensée, un tableau réaliste de la vie exploré d’une manière fascinante. J’aime cette idée de pouvoir soumettre le réel à notre volonté et cela indépendamment de l’âge. Pour employer le terme employé dans le roman : « L’avenir à venir » peut rester et doit rester une promesse même avec un âge certain. La conscience que cette promesse sera un magnifique voyage, plus court certes mais pas moins intense pour autant. Son amour avec Justine en est un bel exemple, il se contemple sans nuages et s’empresse d’exister. Il a même la volonté de s’agrandir avec le temps.
J'ai apprécié le ton et la belle complicité entre le professeur et son ami Marc, éditeur, qui accomplit le dialogue socratique et le transforme en divertissement. Il y a une franchise extrêmement bien décrite avec un humour qui ne laisse pas insensible. Juste pour le plaisir, voici un passage que j’ai beaucoup aimé : « C’est la différence entre nous mon vieux. Je suis écrivain, tu es philosophe, on n’y peut rien, c’est comme ça. Chacun son tropisme. Je n’ai rien à dire au monde, rien à dire sur le monde. Contrairement à toi qui as une ambition conceptuelle, qui réfléchis beaucoup à la structure, qui cherches les lignes de force, bref qui est dans le contrôle, moi je pars d’une sensation, d’un rien, puis je laisse l’écriture se déployer. Quand je commence à écrire, je ne sais pas où je vais : c’est la langue qui commande. Va savoir s’il n’y a pas un lien entre ta façon d’écrire et ta façon d’aimer. Ou de ne pas aimer. »