Pépite!
J'ai trouvé ce livre sublime! A travers le retour du personnage d'Adam dans son pays natal, Amin Maalouf nous évoque plein de sujets intéressants, nous livre des moments de réflexion sur l'amitié, le...
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le 28 déc. 2015
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Déboussolés. Les circonstances de la vie nous entrainent hors des sentiers battus, là où jamais dans notre jeunesse, nous n’aurions pensé être. Adam vit à Paris en tant que professeur d’histoire. Il est originaire d’un pays du Proche-Orient (qu’on sait être le Liban même si Maalouf ne le mentionne pas). Il rentre à contre cœur dans son pays natal sous les conseils de sa compagne, suite à l’appel de la femme de son « ancien » ami Mourad très gravement malade. Celui-ci décède au moment-même où Adam met pied sur la terre du Levant. Il décide alors de retrouver tous ses amis de jeunesse pour renouer avec son passé afin de reformer son groupe des « Byzantins » disséminé par les multiples guerres ayant frappé le monde arabe. Il renoue donc avec la belle Sémiramis chez qui il loge et en s’accordant une parenthèse amoureuse. Il contacte ses amis Naïm au Brésil et Albert aux Etats-Unis expatriés tout comme lui. Il visite Ramez et Ramzi les deux « frères » ingénieurs ayant fait fortune ensemble mais brouillés depuis que Ramzi a radicalement changé de vie en devenant un moine. Adam veut ainsi organiser une réunion avec eux ne les ayant plus vus depuis 25 ans et ce en souvenir des disparus Mourad et Bilal dont il convoque le frère Nidal. Au cours du séjour, Adam se rappelle de sa jeunesse du meilleur comme au pire allant de ses rêves de changement du monde à la réalité de la mort tragique de ses parents. Et le jour-même où la réunion tant attendue doit se tenir, la voiture le conduisant lui et Ramzi fait un grave accident où il est le seul à sortir vivant… ou presque. Dans un coma entre vie et mort, il est en « sursis » comme préfère le dire sa femme et ce à l’image de notre monde, lui aussi en sursis. Rebondir sur une fin aussi symbolique fait évidemment écho aux enjeux mondiaux mis en avant par Maalouf et ce dans l’ensemble de son œuvre. Il s’inspire ici librement de sa jeunesse pour nous enseigner une leçon essentielle : « Jeunes, nous avons des rêves de changement de monde mais quand des horreurs telles que la guerre s’abattent sur nous, rien n’y résiste. Plus tard, la nostalgie lancinante d’une époque révolue viendra nous rendre visite telle la visite d’un vieil ami que l’on n’a plus vu depuis longtemps. » J’ai simplement adoré lire ce livre et je ne me réjouis que d’une chose : commencer un nouveau roman de Maalouf. Je ne suis évidemment qu’au début d’un long parcours littéraire qui durera toute ma vie, mais en mon âme de jeune rêveur ces romans sont pour moi l’équilibre parfait entre qualité de conteur et réflexion sur notre monde à l’aide de l’Histoire.
Le cercle d’amis des « Byzantins » et toutes les thématique l’entourant est le grand coup de force du roman. L’Humanisme si cher à Maalouf est présent à travers la sagesse, la nuance et la culture des personnages. Naîm est juif, Ramez et Sémiramis sont musulmans et Ramzi est chrétien. Ce simple état des faits en dit déjà beaucoup sur la vision d’Amin Maalouf sur le conflit israélo-palestinien. La condition d’historien reconnu dont Adam fait preuve est sa nuance en soi. On sait que Maalouf analyse beaucoup les relations Orient /Occident et son personnage principal se dit entre les deux patries et en reconnait donc les torts de part et d’autre. C’est contre toute forme d’extrémisme qu’il se bat à l’image d’Erasme. Il sait qu’un problème géopolitique d’une telle importance ne peut, en aucun cas, être réglé de manière extrême. Sa vision de la religion est également intéressante car elle rejoint ce que je viens d’énoncer. Il n’a aucune animosité envers quelque religion que ce soit du moment où la liberté de croyance d’un tel ne menace pas celle d’un autre. La discussion avec Nidal l’extrémiste est une scène remarquable. Ce dernier lui reproche d’être fort complaisant à l’égard de l’Occident car il les blâme de l’effondrement du monde arabe. Il est donc pour adopter une forme de radicalité envers eux. Adam lui rétorque donc avec véhémence les torts du monde arabe comme la mise en danger des minorités ou le respect des femmes. Cette discussion résonne encore plus fort aujourd’hui, vingt ans après la publication du roman. Les tensions entre Orient et monde occidental se sont considérablement accrues et l’intolérance monte en flèche d’un côté comme de l’autre. J’en parlerai sans doute mieux quand j’aurais lu « L’effondrement de notre civilisation ». Une nuance que l’on retrouve à travers le cercle d’amis que ce soit le caractère fort trempé de Sémiramis ou l’homosexualité d’Albert. Maalouf est également très malin en ne mentionnant pas le Liban qu’on pourrait croire très en faveur du monde arabe mais il nuance une nouvelle fois avec Naïm et sa famille juive. Il reconnait qu’en aucun cas, aussi terrible soit-elle, la Shoah ne justifiait qu’Israël soit fondé en éjectant 500000 Palestiniens de leur pays. Mais d’un autre côté, si les Juifs avaient simplement demandé qu’on leur fasse une place sur la terre de leurs ancêtres, ils auraient été jetés dehors. Le vrai combat de Maalouf est ailleurs, il est contre l’inhumanité. Le point de départ narratif est l’approche de la mort de Mourad qu’Adam n’a pu pardonner. Il s’est fait pervertir par la guerre et est même considérablement ressorti enrichi. Il a commis des exactions morales conséquentes et cela, Adam ne peut lui pardonner. Le fait qu’ils aient été amis n’y change rien c’est même le contraire, cela pousse Adam à être encore plus intransigeant.
Le roman est empreint d’une nostalgie assez folle. La guerre a exilé Adam qui a préféré s’enfuir plutôt que de salir les mains à l’inverse de Mourad comme dit plus haut. La caractéristique de l’exil est souvent reprise par Maalouf car c’est l’occasion pour lui de nous faire voyager et de confronter ses personnages à d’autres cultures. Ici, c’est différent. Adam est à la recherche de son passé, des temps les plus heureux de sa vie ou plus simplement de sa jeunesse. Il approche la cinquantaine et il peut tirer un bilan d’une partie déjà bien entamée de sa vie. Il est facile de voir le côté plus personnel de l’auteur. Sa parenthèse avec Sémiramis en est l’exemple parfait. Il s’accorde un plaisir sentimental pour venir combler ses frustrations d’adolescent. La fine plume de Maalouf nous emporte dans les méandres de son âme à travers les lettres qu’il écrit. Il avait pour attentes de changer le monde et il sait n’avoir rien fait. La guerre en est en grande partie responsable mais il a la lucidité de savoir qu’elle n’est pas seule à avoir fait pencher la balance. J’ai beaucoup aimé le personnage de Ramzi. Il voulait lui aussi changer le monde en sa qualité d’ingénieur mais il s’est retrouvé à travailler pour ceux qui voulaient « un huitième palais ». En ajoutant à cela son drame familial, on peut concevoir son revirement de vie. L’ouverture d’esprit dont Adam fait preuve à son égard est aussi une belle trace de tolérance. L’envie d’Adam de réunir les Byzantins est un appel à l’insouciance et au souvenir car, oui Mourad et Bilal sont morts. La fin m’a profondément bouleversé même si au fond de moi je la sentais venir. Sa mort est le symbole d’un monde sur le point de basculer mais aussi un appel à l’Humain plus que jamais en danger.
En conclusion, je pense que si « Les Désorientés » a résonné si fort chez moi, c’est à cause de ma condition de jeune homme rêveur et ce à plusieurs points de vue. Je me considère comme très chanceux car j’ai des amis qui m’enrichissent et assez ouverts d’esprit. Il nous arrive de rêver sur un sujet où l’autre ou simplement de débattre. Nous formons un groupe assez tolérant avec certains défauts de la jeunesse bien sûr. Quand je vois l’incertitude du futur du monde, j’ai déjà assez de mal à me projeter ne fût-ce que dans 5 ans. Cela est normal à mon âge mais je m’associe beaucoup au personnage d’Adam et donc sa nostalgie du passé car je sais que tôt ou plutôt tard, elle m’atteindra et que je dois faire de mon maximum pour éviter des regrets. Si je globalise ma situation au monde, je pense que les signes, aussi multiples qu’ils soient, doivent nous faire réagir non pas seulement pour constater mais pour agir et c’est la lourde tâche qui incombe à ma génération donc à moi.
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Créée
le 27 déc. 2022
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