Fascination mystique depuis l’aube de l’Humanité, l’amour régit le monde en frappant les individus de parfois les passions les plus dévorantes. Qu’on l’admette ou non, nous sommes tous tôt ou tard concernés et notre destin se lie à jamais à ses finalités heureuses comme dramatiques… Gabriel Garcia Marquez s’y attache à travers son roman intitulé « L’Amour au temps du choléra ». Celui-ci se déroule à l’aube du 20e siècles dans les colonies hispaniques des Caraïbes et dans une toile de fond angoissante avec des multiples épidémies de choléra. Florentino Ariza, un jeune télégraphiste de famille modeste et plutôt quelconque s’éprend un jour de la jeune et très belle Fermina Daza. De nature timide et prude, il préfère lui témoigner son amour par des lettres. Celle-ci semble sous son charme et décide même de le marier en dépit du refus catégorique de son père. Mais l’idylle ne dure que très peu de temps car quand au marché elle lui parle pour la première fois, elle décide de tout annuler. Elle se marie même avec le riche et charismatique docteur Juvenal Urbino. Dépité, Florentino décide alors de l’attendre ce qu’il fera pendant les cinquante prochaines années de sa vie. Pour combler le manque, il multiplie conquêtes sur conquêtes mais reste loyal à son amour total pour elle. Amour qu’il lui redéclare le jour de la mort du vieux Juvenal Urbino et qu’elle prend d’abord très mal. Puis la vieillesse et la solitude faisant, elle accepte de boire le thé avec lui et au cours de leurs discussions sages, elle s’éprend peu à peu de lui. Ils décident alors de remonter le fleuve comme un dernier voyage amoureux qui s’avère finalement être infini et éternel tout comme l’amour entre eux. Le succès de ce roman est dû à une composition précise et minutieuse, la psychologie très singulière de Florentino Ariza et une relation unique entre amour et choléra. Etant rarement lecteur de romans d’amour, j’ai fortement apprécié cette lecture surtout pour la très fine plume de Marquez très plaisante à lire. L’amour peut donc avoir un caractère absolu et terrifiant qui régit à lui seul toute la vie d’une personne dans chacune de ses actions ou pensées.
La composition tient une part importante dans le roman notamment pour marquer la différence totale de ressentis des trois personnages principaux. Tout le long du roman, on suit un temps Florentino Ariza qui toute sa vie ne pense qu’à elle et toutes les actions qu’il mène ne visent que ce but. Pendant ce temps, le couple Urbino traverse les années de vie de couple de manière plutôt morose de l’intérieur entre la tromperie de Juvenal et le caractère difficile de Fermina. Pourtant, la peine de Florentino Ariza ne cesse de croître car de son point de vue les deux semblent très heureux quand ils s’affichent publiquement. Aussi, il arrive à Fermina Daza de repenser à l’occasion à Florentino Ariza en se disant toujours ce « Pauvre homme » alors que de son côté lui n’imagine même pas cela possible. La composition donc de laisser les personnages vivent leur vie à chacun de leur côté et ce à travers le temps tout à ce qu’ils restent liés sans jamais avoir échanger entre eux directement.
Florentino Ariza a une psychologie particulière où depuis l’instant où il a rencontré Fermina Daza, son amour pour elle est devenu absolu, inébranlable et viscéral. Comme dit plus haut, chaque action qu’il fait est dans le but de la conquérir. Ses concours de poésie et ses très nombreuses lettres ne sont là que pour elle. Devenir chef après Lotario Loghut de la navigation fluviale des Caraïbes n’est que dans le but de devenir quelqu’un pour pouvoir la mériter. Ses conquêtes innombrables ne lui permettent que de l’oublier un instant afin de ne pas définitivement sombrer dans la folie. Il en est venu à souhaiter la mort de Juvenal Urbino alors qu’il savait que c’était un homme de bien. Le jour-même de la mort de ce dernier et en dépit du deuil de Fermina Daza, il lui à nouveau confesser son amour éternel. Et cela a, finalement, après plus de cinquante ans, marché… Au plus profond de la vieillesse, il aura finalement réussi à conquérir celle qu’il a toujours aimée comme un espoir que l’attente peut sembler éternelle mais une fois l’amour présent lui aussi est éternel.
Un amour qui, selon la vision de Marquez, peut être symbolisé par quelque chose qui lui serait plutôt attaché comme antonyme… Le choléra ! Maladie très contagieuse qui terrorisait les populations des Caraïbes de l’époque le choléra est plus le représentant des épidémies. Epidémies dont fait partie l’amour ! La ressemblance des symptômes est troublante. Pour tous les deux, quand ils frappent la chaleur et la sueur frappent le malade. Sa vie est irrémédiablement changée à jamais et il doit apprendre à vivre avec. Le titre du livre l’explicite même avec cet amour au temps du choléra ou qu’on peut retraduire plus simplement par une épidémie au temps des épidémies. La mère de Florentino le lui dit également « Tu confonds amour et choléra ». Le coup magistral de Marquez se situe à la fin du livre. Vieux et au bout de leur vie, Florentino et Fermina succombent finalement à la maladie de l’amour qui les emportera loin mais pas moins comblés de bonheur.
Je pense finalement qu’au delà d’être superbement écrit, « L’amour au temps du choléra » fait réfléchir sur ce qu’est l’amour et sur ce qu’il peut apporter de bien comme de mal pour nous humains. Il a ce don comme le film « In the Mood for love » de Wong Kar wai pour ne citer que lui d’aborder le sujet d’une manière différente avec plus de sagesse que n’importe qui.