La chasse aux sorcières comme départ de réflexion sur la guerre froide. Une analyse toute en nuances, menée à partir d'une bonne connaissance du manichéisme, pour voir comment il a pu perdurer à travers les époques.
Ce livre, en douze chapitres plus une conclusion en forme d'essai, revient sur l'affaire des Diables de Loudun. En gros, un prêtre viveur et doté d'un bel esprit, le père Grandier, s'attire de nombreux ennemis dans la petite ville de Loudun, à l'époque de Richelieu. A la même époque, une nonne, soeur Jeanne des Anges, essuie un refus de Grandier de devenir leur chapelain, et une plaisanterie de nonnettes à propos d'un fantôme dégénère en rumeur de possession. Les ennemis de Grandier s'allient avec soeur Jeanne pour faire accuser Grandier de sorcellerie. Les douze soeurs sont possédées, se roulent par terre, se montrent impudiques, blasphèment, et l'on fait venir des exorcistes qui ne font qu'empirer le mal. Surtout, on fait les séances d'exorcisme en public, contrairement aux recommandations de l'Eglise, et les chefs d'accusation imaginaires doublés de preuves ridicules s'accumulent sur la tête de Grandier. C'est, pour ce dernier, le début d'un long calvaire qui va le faire accéder bien malgré lui au statut d'agneau expiatoire victime d'un bref regain d'inquisition, sur fond d'intrigues politiques de dimension nationale ou locale. Le livre revient ensuite sur le devenir de soeur Jeanne, qui fut exorcisée et accéda au statut de quasi-bienheureuse avec l'aide d'un Jésuite torturé, le père Surin, qui s'autopersuada qu'il avait pris le démon de la soeur en lui pour prendre le fardeau du mal sur sa personne. La conclusion revient sur les trois principaux opiums du peuple : l'alcool, le sexe et le fait de s'abandonner à la volonté d'une masse anonyme.
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J'ai eu bien du mal à avancer dans ce livre, tant à cause de l'aspect touffu de l'intrigue (Huxley va dans le détail des intrigues qui se resserrent autour de Grandier) que du sujet, à savoir le caractère inadapté des conceptions de l'âme du XVIIe s. pour soigner les troubles mentaux.
Pourtant, ce livre est intéressant. Huxley livre un ouvrage qui lorgne tantôt sur l'enquête historique, tantôt sur le roman à la Balzac, tantôt sur l'essai politique. La partie qui me convainc le moins est l'essai, dans la mesure où l'auteur se borne souvent à émettre des commentaires sans énoncer clairement de théorie. Pourtant, le parallèle avec les régimes totalitaires est intéressant. Je suis un peu étonné des conceptions hygiénistes de Huxley, au vu du contenu de son "Meilleur des mondes". Je ne suis pas sûr que la pensée de cet auteur soit des plus rigoureuses.