Voyage au fond de l'enfer
Après être sorti vivant du siège de Malte dans "La Religion", Mattias Tannhäuser (quel beau nom) part à la recherche de Carla, son épouse, qui est au stade ultime de la grossesse, dans Paris, où elle devait jouer dans un concert organisé lors du mariage de "Margot" avec le futur Henri IV.
Le problème est qu'au moment où il espère la rejoindre éclate le massacre de la Saint Barthélémy. Or, Carla est hébergée chez des huguenots et, de surcroît, elle est visée par une conspiration.
Aucun livre à ma connaissance n'a jamais été aussi loin dans l'horreur, sauf peut-être le "Titus Andronicus" de Shakespeare que, d'ailleurs, Willocks cite (les titres de ses chapitres en sont tirés).
Alors que la ville est une immense boucherie, Tannhäuser va lui-même la traverser en laissant derrière lui une monstrueuse trace de sang, de sanie et de merde, égorgeant, étripant, énucléant, les coupables comme les innocents, dans sa hâte à retrouver celle qu'il aime. Et il va rencontrer des personnages hors norme (tel l'extraordinaire Grymonde, très "hugolien"), dont de nombreux enfants qui vont l'épauler.
On est ici, clairement, dans une épopée, dont l'Achille serait Tannhäuser, héros quasi invincible. Le style est grandiose, parfois emphatique, mais chargé d'images souvent inattendues et parfois très belles. On est loin du style "plat" de Follett.
Grand conteur, sorte d'ogre littéraire, Willocks nous donne un grand livre, peut-être légèrement en retrait par rapport à "La Religion", parce que l'on ne peut s'empêcher de se dire par moments: "Il exagère." Mais quel souffle ! On a tellement peu d'épopées à se mettre sous la dent...