Douze ans se sont écoulés depuis les événements narrés dans L’Echelle de Darwin. Dans la plupart des Etats américains, les rafles se succèdent. Des milliers d’enfants SHEVA sont détenus dans des camps d’internement. L’opinion publique américaine, effrayée par les capacités et l’apparence de ces enfants et par la possibilité de nouvelles maladies mortelles, soutient leur traque, leur éloignement, leur emprisonnement et, pour certains, leur extermination. Certains parents tentent de résister, prennent la fuite et vivent dans la clandestinité, espérant échapper aux sbires des agences gouvernementales. C’est le cas de Mitch, Kaye et de leur fille Stella. Celle-ci supporte de moins en moins l’isolement, et elle va tenter de rejoindre ses semblables, en espérant apprendre à utiliser ses nouveaux modes de communication et peut-être créer un monde nouveau…
Les Enfants de Darwin prend une orientation sensiblement différente de celle de son prédécesseur. On y retrouve bien les mêmes personnages principaux (et pas uniquement Mitch et Kaye) mais pour les plonger dans une lutte politique plutôt que dans un thriller génétique. Si SHEVA n’est plus tellement un mystère scientifique, ses implications politiques continuent de faire des ravages. Ainsi, la première partie du roman nous plonge dans les affres d’une société déchirée par l’angoisse et l’hystérie. Il faut souligner la maestria de l’auteur qui parvient dès les premiers chapitres à résumer les événements de L’Echelle de Darwin, à faire le point sur la situation des différents personnages douze années plus tard, et à lancer les personnages vers de nouvelles aventures, le tout de façon très naturelle et très fluide. Le lecteur est ainsi directement emporté par le récit, jusqu’à l’épilogue de cette première partie poignante.
On pense souvent à l’Amérique actuelle en lisant les événements qui ravagent ce pays où les scientifiques ne sont plus écoutés, où les politiciens suivent aveuglément ce qu’ils pensent être les peurs de leur électorat, où les médias se nourrissent de fake news terrifiantes pour faire de l’audience, où les bas instincts d’une large part de la population se réveillent pour donner lieu à des lynchages et à une indifférence totale pour la vie d’êtres perçus comme inférieurs ? Le tout écrit treize ans avant l’élection présidentielle de Donald Trump…
Le deuxième partie nous fait faire un nouveau bond de trois ans vers l’avenir. Elle est un peu ralentie par ce qui faisait déjà les défauts de L’Echelle de Darwin : des réunions, des labos, des débats entre généticiens, … Néanmoins, on reste accroché par cette description de la vie dans un camp d’internement pour enfants, des manœuvres de couloirs à Washington, de la résistance de certains parents et enfants.
La troisième et dernière partie, beaucoup plus courte, forme un épilogue ni déprimant ni réjouissant, à l’image de ce roman finalement très réaliste.
Les Enfants de Darwin n’apporte rien de nouveau à l’idée originale de L’Echelle de Darwin. Il se penche surtout sur les aspects socio-politiques et suscite ainsi beaucoup plus d’émotions et d’attachement. C’est une belle réussite, qui aurait pu être encore plus belle sans une irruption bizarre, soudaine et incongrue d’un thème mystique, religieux et surnaturel qui n’apporte absolument rien à l’histoire. Heureusement, ce thème reste anecdotique, et n’altère pas le plaisir de la lecture.
Greg Bear : Les Enfants de Darwin – 2003.
Originalité : 3/5. A la Poursuite des Slans, anyone ?
Lisibilité : 4/5. Une petite baisse de rythme au début de la deuxième partie.
Diversité : 2/5. On est plus dans un road movie que dans un patchwork à la John Brunner ici.
Modernité : 4/5. Il est effectivement difficile de réprimer les sueurs froides à l’idée que l’épidémie de SIDA aurait pu apparaître dans le monde de 2019…
Cohérence : 4/5. Vraiment dommage cette visite divine. Inutile et sans rapport avec tout le reste de l’histoire.
Moyenne : 6,8/10.
A conseiller si vous avez aimé L’Echelle de Darwin, évidemment. A conseiller aussi si vous n’avez PAS aimé L’Echelle de Darwin, bizarrement.
https://olidupsite.wordpress.com/2019/02/12/les-enfants-de-darwin-greg-bear/