Dans ce troisième et dernier tome, le lecteur suit alternativement les aventures de Nassun en fuite de Nouvelle Lune et d’Essun jetée sur la route avec les survivants de Castrima. On apprend également en détail les événements qui ont mené à l’Effondrement. Entre le désir d’un monde meilleur et la volonté de détruire un monde cruel et corrompu, le destin de l’humanité doit se décider au retour de la Lune…
Les Cieux Pétrifiés referment brillamment une trilogie d’une qualité exceptionnelle. Tout est réussi, maîtrisé, cohérent, passionnant.
Tous les personnages, même les plus secondaires, prennent vie au fil des pages. Ils ont tous une personnalité complexe, emblématiques sans être caricaturaux, et la plupart d’entre eux sont profondément transformés par les événements qu’ils traversent, pour le meilleur ou pour le pire. Leurs rapports aussi évoluent, et l’ensemble tient la route, construisant ainsi un univers imposant et cohérent, depuis les enchaînements historiques par delà les siècles jusqu’aux plus petits dialogues entre deux protagonistes sur le bord d’un chemin.
La cohérence d’un tel univers exige une grande complexité, et elle sera effectivement au rendez-vous. Rien n’est simple ici et il faut parfois s’accrocher pour ne pas s’égarer dans les méandres des mécanismes à l’œuvre dans ce récit, dans les rouages intriqués qui broient les naïvetés et emmènent cette Terre fracturée vers un dénouement haletant.
Jemisin donne une dimension supplémentaire à sa fresque en l’enracinant dans des thèmes d’une actualité terrible, d’une manière très subtile qui parvient malgré tout à faire vibrer les cordes sensibles : l’oppression organisée d’une société envers une partie de ses membres, l’exploitation de ceux qu’on considère comme des sous-hommes, l’exploitation acharnée aussi des ressources naturelles de la planète, la haine nourrie du refus de la différence, la rage pure que la révolte peut parfois entraîner, les difficultés de la maternité et des rapports mère-fille,… Le tout en douceur, sans jamais verser dans la lourdeur du discours militant, mais sans jamais faire de concession face aux dispositifs sociaux et historiques qui créent l’asservissement.
Ce troisième tome fait résolument le choix de la fantasy, abandonnant les aspects les plus SF hard science qu’on pouvait apercevoir dans le tome précédent. Ce qui rend la cohérence de l’ensemble encore plus remarquable.
La remise du Prix Hugo du meilleur roman en 2018 à ce livre marque un événement historique. C’est en effet la première fois qu’un auteur remporte ce prix trois années d’affilée. Que cet auteur soit une auteure est parfaitement en phase avec le Cycle de la Terre Fracturée. Les Cieux Pétrifiés ont aussi remporté le prix Nebula du meilleur roman et le Locus du meilleur roman de fantasy.
N.K. Jemisin : Les Cieux Pétrifiés – 2017
Originalité : 4/5. Un univers remarquable et fascinant
Lisibilité : 5/5. On ne perd jamais le fil malgré la grande complexité du récit.
Diversité : 4/5. Structure habituelle, certes pas révolutionnaire mais toujours efficace.
Modernité : 5/5. A l’époque de #MeToo et #BlackLivesMatter, du dérèglement climatique et des naufrages des bateaux de migrants en Méditerranée, difficile de passer à côté des allégories…
Cohérence : 5/5. Brillant, brillant, brillant.
Moyenne : 9.2/10.
A conseiller (ter) si vous avez envie de vous réconcilier avec la fantasy. Ou si vous adorez la fantasy. Ou si vous n’avez aucune idée de ce qu’est la fantasy. Lisez-le, c’est tout.
https://olidupsite.wordpress.com/2021/02/07/les-livres-de-la-terre-fracturee-tome-3-les-cieux-petrifies-n-k-jemisin/