Incontournable Janvier 2025



Un excellent roman d'épouvante bien ficelé et étonnamment réaliste, en ce sens où l'histoire est cohérente, les adultes ne sont pas cons et ce décor, cette nature indocile et automnale, participe activement à l'atmosphère angoissante.



Aveline doit passer ses vacances avec sa tante Lilian, vivant dans la petite municipalité côtière de Malmouth. En automne, la petite communauté devient un lieu très tranquille, dont le glacial air salé et les crachins récurrents n’invitent pas à sortir profiter de l'automne. Convaincue qu'elle va s'ennuyer ferme dans cet endroit, Aveline a cependant une agréable surprise quand, sur la recommandation de sa tante, plus avenante qu'elle le parait, elle découvre une petite librairie de livres usagés. C'est un endroit idéal pour dénicher des livres sur les fantômes, dont raffole la jeune fille. Aveline arrête son choix sur un livre vert à écriture dorée : Esprits et fantômes du Dorset, du Devon et des Cornouailles". Cependant, au moment de partir, le libraire se rappelle alors un détail troublant à propos de ce livre, dont la sinistre histoire va entrainer Aveline sur une route tout aussi lugubre.




Odeurs d'océan , épouvantails en forme d'enfants, légendes locales, la table est mise pour une histoire en vase clos qui amorce un lente progression vers l'horreur. Aveline aime les histoires de fantômes, elle va être servie! À la fois enquête et épouvante, le roman nous entraine dans un univers de campagne, avec ses drôles de croyances dont les racines sont liées à des manifestations étranges et où les histoires ne sont pas inoffensives.



Ce roman donne aussi l'occasion de parler de la dimension folklorique de la fête d'Halloween, dont la fête d'origine est la "samain", terme gaélique pour désigner une fête de transition de saison et d"ouverture sur "l'autre monde". Bien avant d'être la chasse aux bonbons moderne, elle a été païenne et associée à des pratiques magiques celtiques. Dans le roman, on comprend que le village penche plus sur les superstitions inspirée de la samain que de la version moderne apportée par Halloween.



À partir d'ici , il y aura quelques divulgâches, vous êtes prévenus.



Dans les livres jeunesse, je déplore souvent la bêtise sans nom des adultes, très souvent dépeints comme des imbéciles sans imagination et sans empathie, mais pas ici! Le libraire, monsieur Lieberman, est investi dans l'enquête et un certain autre personnage également, choisi de surpasser son esprit très rationnel pour appuyer l'enquête. Ce changement est motivé par la réaction émotive d'Aveline, clairement effrayée, et qui a besoin de ce se faire croire par ce personnage. Il faut dire qu'avoir des adultes dans on équipe vient avec des avantages, alors je salue ce trait moderne de dépeindre enfin les majeurs comme des alliés majeurs.



Dans les personnages, j'apprécie le soin apporté aux différents protagonistes. Cette tante Lilian, qui a l'air sévère et très cartésienne, a un très bon fond et illustre qu'on peut avoir l'air froid sans réellement l'être. Je la trouve très originale pour cette raison et j'ai envie de dire que nous sommes bien davantage nos actions que notre apparence, Lilian l'illustre très bien. Elle est présente, disponible, intéressée par le bien être d'Aveline, attentive aux besoins et aux paroles de sa nièce et ramène souvent le fait qu'elle n'a certe pas l'habitude d'avoir une enfant chez elle, mais elle lui rappelle sans arrêt qu'elle pense à elle. Elle comprend que ce n'est pas facile pour Aveline d'être loin de sa mère et dans un village austère. Bref, Lilian est un magnifique personnage qui dynamite le vieux cliché de la tante mesquine et désintéressée.


Harold, le jeune préado qui a une frange de long cheveux ( moderne!) et un humour chiant, dans le genre "sarcastique" mais piquant en même temps. Il a tendance à chercher la validation, ce qui est un peu agaçant, mais cherche à aider à sa façon. Je suis lasse de ces personnages masculins qui utilisent l'humour mesquin et une attitude un peu macho pour se donner un genre, alors Harold n'est pas mémorable comme personnage. Surtout que je vois encore un personnage masculins qui donne l'impression d'être le guide du personnage féminin, et non l'inverse.



Monsieur Lieberman et Madame Fitzwilliam, en revanche, m'ont beaucoup plus. Chaleureux, intéressants et capable de parler aux jeunes ados sans tomber dans l'infantilisation, ce dont je leur sied gré. C'est drôle, mais je me rend compte que je préfère les personnages adultes aux enfants dans ce roman.


Quand à Aveline, elle est empathique, curieuse ( un peu trop?) et introvertie. Elle est donc assez classique pour un personnage féminin. Je lui suis reconnaissante de ne pas être tombée amoureuse d'Harold, ça je ne suis PLUS capable d'en voir, comme si la seule fonction d'une fille, plus encore que sa quête, est de tomber amoureuse, et ce, même d'âge préado. Heureusement, rien de ce côté-là et c'est tant mieux.



Le début de ce roman est une enquête. Aveline découvre avec consternation que son beau livre de légende a été dépossédé de sa dernière légende, celle de "La dame dans les vagues", complètement noircie pour effacer chaque ligne. Comme un nom a été posé sur la page de garde, elle décide d'investiguer sur cette personne et parvenir à savoir si c'est bien "Primrose Penberthy" qui a censurer le livre. Aveline, épaulée d'Harold, petit-neveu à l'humour douteux du libraire, et le libraire, Monsieur Liberman, découvre que ladite Primrose a disparu, il y a près de 40 ans. C'est le détail qui est revenu à la mémoire du libraire et qu'il a partagé une fois qu'Aveline a constaté l'état du livre vert. Dans la boite qui contenait le livre caviardé, les trois personnages découvrent un journal intime, probablement mit dans la boite par erreur, puisqu'il a l'air d'un livre. Aveline ne le sait pas encore, mais en lisant ce journal, elle enclenche la séquence "épouvante" du roman.



Dans l'enquête elle-même, il y a beaucoup de logique dans la démarche, ce que j'ai bien apprécié. Bien que l'on sente le volet fantastique en latence, les différentes péripéties sont le genre qu'on s'attendrait d'un duo d'enfants dans cette situation, comme d'aller voir la police, même si effectivement, elle ne va pas réagir sur les bases d'une histoire de fantômes. Faire appel à un expert est également cohérent. Surtout, je trouvais rafraichissant la façon d'Aveline de réagir à l'arrivé du journal intime. Plutôt que de sauter sans réfléchir sur ce début de piste, elle a peser le pour et le contre et a eu assez d'empathie pour la propriétaire pour avoir un minimum de pudeur et de respect en lisant le journal. Après tout, la jeune fille a disparu, elle a laissé une famille en deuil, je trouve touchant que pour une fois, le personnage qui découvre un journal intime soit respectueux de la mémoire du/de la propriétaire.



Je pense que toute la dimension émotionnelle m'a plu dans le roman et dans un roman d'épouvante, dont fortement lié aux émotions intenses et souffrantes, c'est la moindre des choses de s'y consacrer avec délicatesse et humanité. Comme il s'agit de fantômes, anciens humains, cela revêt une importance double, puisque les fantômes, par définition, sont souvent des êtres incapables de passer "de l'autre côté" parce qu'une charge émotionnelle les retient, que ce soit la colère, la tristesse, voir la détresse.



Attention, prise 2: Gros divulgâches à venir.



Aveline va d'ailleurs développer une relation en écho avec Primrose, ce qui est cohérent avec la lecture du journal. Lire sur sa vie, sur sa lente descente vers la solitude et la peur viscérale qui prend le pas sur sa normalité de jeune préado, va forcément créer une empathie qui transcende le temps. Enfin, quand on est un humain minimalement empathique. Au final, c'est cette forte dimension humaine qui donne de la force à l'épouvante, car on prend pitié de cette jeune fille finalement condamnée et après avoir comprit un peu mieux les faits réels derrière la légende qui a épouvanter Primrose, on a également pitié de cette entité qui fauche des vies. Ce n'est pas simplement des fantômes, ce sont des êtres humains rongés par la solitude et la détresse de leur vivant et maintenant, de leur mort. Et malgré les scènes glaçantes vers la fin du roman, on sort plus secoué par la nature même de ces fantômes que de leur état à proprement parlé. Le plus triste, je trouve, est que cette entité ne trouve pas le repos et peut-être pire, Primrose est réellement enchainé à son état. Si Aveline échappe de peu à son sort, elle ne brise pas la malédiction non plus. Et ça, c'est infiniment triste et glaçant.



Mais, Aveline sort de cette aventure sombre avec au moins une conviction: Désormais, Primrose n'est plus seule au monde, puisqu'elles deviennent amies. La jeune fantôme s'est battue pour préserver la vie d'Aveline et lui offre même ses fameuses Doc Martens rouges dont rêve Aveline ( Primrose les portait dans sa mort- Mais ce n'est pas claire comment un fantôme peut réaliser ce genre de don). Pour sa part, Aveline a réellement souhaité apporter la paix à l'âme de Primrose et se sera battue pour découvrir la vérité derrière sa disparition. Maintenant, elle "porte" Primrose dans sa mémoire, ce qui la rend sans doute beaucoup plus "vivante" maintenant. J'aime que le récit arrive à donner de l'importance à cette petite pousse de sororité, c'est rafraichissant.



Bref, un bon roman d'épouvante addictif et fascinant qui ouvre la voie à une trilogie, puisque trois romans existent déjà dans leur langue d'origine ( l'anglais) pour cette série. Un bon livre pour se mettre dans l'ambiance surnaturelle inspirée d'Halloween et de la Samain, ou pour les amateurs et amatrices assez nombreux.ses ces derniers temps.



Pour un lectorat du 3e cycle primaire, 10-12 ans+




Shaynning

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