Un jeune homme de bonne famille, Dorante, convoite une jeune veuve dont il est épris, Araminte, mais qui est riche. Très riche. Or, leur différence de revenus interdit, dans la société de la première moitié du XVIIIème siècle, un quelconque mariage entre eux. Sans compter qu'ils ne se connaissent même pas et qu'Araminte ne soupçonne donc pas l'existence de ce prétendant qu'elle n'a jamais vu. Lorsque la pièce commence, l'ancien serviteur de Dorante, Dubois, s'est introduit chez Araminte comme domestique et prétend la pousser à l'amour et au mariage avec son maître. S'ensuit toute une machination qu'il orchestre de main de maître, avec l'accord de Dorante. Dubois, qui manipule toute la maisonnée, prétend lancer des confidences (qui ne sont que d'habiles manœuvres) à l'une ou à l'autre, d'où le le titre de la pièce, attirant ainsi chacun dans sa toile d'araignée. Et il parviendra à ses fins.
Je me suis un peu intéressée à ce que disaient de cette pièce différents metteurs en scène, ce qui en confirme ma lecture. Si Les fausses confidences est sans conteste une pièce autour de la question de l'argent, l'interprétation comporte pas mal d'ambiguïtés. Souvent, on y voit une comédie où le mensonge et la manipulation tendent, au final, au parler vrai, au langage des sentiments sincères. Je ne suis pas complètement convaincue. Après tout, Dorante a beau dire qu'il aime passionnément Araminte, rien ne nous dit que c'est vrai. Tout ce qu'on en sait, et notamment la façon dont il serait tombé amoureux d'elle, c'est à travers des propos de Dubois, propos qu'il tient à Araminte dans le but de l'amener dans son piège. Qu'y a-t-il de vrai là-dedans ? On ne sait pas, on ne le saura jamais. D'autant que Dorante, personnage un peu falot, tient en permanence un langage qui semble (ou du moins m'a semblé) bien artificiel. Qu'on songe à Roméo qui récite des fadaises à propos de son amour pour Rosalinde avant de trouver le langage vrai de l'amour en rencontrant Juliette...
Araminte figure ici un personnage isolé, seule peut-être indifférente à la question de l'argent, qui est sur toutes les lèvres. Mais il est vrai qu'elle est bien la seule à en être plus que largement pourvue, ce qui lui permet de jouir d'une certaine liberté d'esprit, et, en tout cas, de s'opposer à ce qu'on attend d'elle et d'épouser Dorante. Est-ce une libération pour elle ? Est-ce qu'elle ne tombe pas derechef dans un autre piège ? Et quel avantage peut trouver Dubois, personnage on ne peut plus central de la pièce, à organiser toute cette machination, en démiurge qui rappelle bizarrement les inventions et les directives d'un auteur et d'un metteur en scène ? Bref, c'est une pièce qui relève de l'ambivalence. Peut-être un tout petit peu trop longue - mais il faut bien le temps à Araminte de tergiverser avant que de succomber (ou de se libérer, c'est selon).
L'acte III m'a paru plus enlevé et plus drôle que les deux autres, peut-être parce que je l'ai lu à haute voix - lire le théâtre comme un roman, c'est quand même l'affadir terriblement -, mais aussi certainement à cause des joutes verbales entre Monsieur Remy (oncle de Dorante) et Madame Argante (mère d'Araminte). J'avais en tout cas complètement oublié cette pièce. Ça faisait bien longtemps que je n'avais lu Marivaux ou que je ne l'avais vu jouer, et, j'y ai trouvé une oeuvre qui, s'il elle se fond bien évidemment dans le corpus de l'auteur avec ses lots de tromperies, d'apprivoisement du langage et de tergiversations sentimentales, recèle une identité propre, par son traitement de l'argent, de la manipulation et du mensonge qui laissent songeur, et dont la fin n'est peut-être pas aussi joyeuse qu'on pourrait le penser. Certes, on n'est pas dans la cruauté de La fausse suivante ou de La dispute, mais ça n'est tout de même peut-être pas aussi léger qu'on pourrait le penser - bien que la pièce fasse rire, je tiens à le préciser.