Un semblant de morale ? Non, même pas, juste du burlesque. (Attention, spoil inside.)
Chéricléon et Vomicléon (dans ma traduction de la pièce), père et fils, ont déjà des noms qui, en soi, ne peuvent que faire rire. Le père est atteint d'une maladie terrible, la judicardite : il ne peut s'empêcher de juger, tout et tout le temps, et qui plus est de prononcer une sentence négative à chaque fois. Satire de la propension du peuple à abuser de l'apparence de grand pouvoir qu'on lui donne, au Ve siècle à Athènes, Les Guêpes jouent admirablement de ce fait en en profitant pour critiquer Cléon, démagogue populaire. Le comique est poussé à l'extrême : les juges, assimilés à des guêpes, arborent un dard, et pour montrer la fureur du jugement, on assiste au procès d'un chien qui a volé un fromage. Parodie, donc, assez délectable.
Vomicléon, jeune homme apparemment sage, tente de guérir son père et y parvient finalement, après un combat tant figuré que propre avec les juges. Il y parvient tellement bien que son père devient l'exact antithèse de ce qu'il était jusqu'alors : il va festoyer, insulte ses ex-comparses, cherche des noises à tout venant (tout en étant passablement ivre) et ce qui devait arriver finit par arriver : à son tour, il va se faire traîner au tribunal. Retournement complet de situation qui tourne en dérision ce qu'Aristophane avait eu l'air de défendre, et c'est Vomicléon, pourtant si fin, qui passe pour un imbécile. Alors, il n'y a plus de morale, plus de critique sérieuse, et tout devient un prétexte à rire. Paroxysme du comique à la toute fin de l'oeuvre, lorsque Chéricléon danse avec d'autres sortis de nulle part.
Satire des moeurs oui ; mais avec subtilité, et en apparence sans prendre de parti, en nous montrant les deux facettes des situations. Ce qui témoigne d'une lucidité extrême en se payant en outre le luxe de faire rire. Qui eût cru que moi, jeune femme du XXIe siècle, je puisse rire en lisant un truc ayant (calcul rapide) 26 siècles d'âge ? Et pourtant.
Quitte à comparer : Les Guêpes > Les Nuées (cf ma critique des Nuées). Plus encore de drôlerie dans Les Guêpes.
Epatée, la fille.