Il est de ces titres qui intriguent, qui donnent envie de retourner le livre pour arpenter la quatrième de couverture. Les guerres précieuses est de ceux-là. On a soudain envie d'ouvrir le livre comme on ouvrirait la porte de la Maison.
Car si nous suivons l'histoire d'une femme, c'est avant tout l'histoire d'une maison, de la Maison, au point que celle-ci devient le personnage principal.
Il n'y a pas de cartes, pas de lieu clairement identifié : chaque nom est choisi avant tout pour sa sonorité, pour sa délicatesse, pour ne figurer sur aucun GPS. L'histoire de la Maison, c'est l'histoire de tout un chacun. On se retrouve projeté en arrière, dans les maisons de nos enfances, et c'est le miracle de ce roman. Si ce roman touche de manière aussi juste, c'est que chacun imaginera la Maison sous les traits de la maison où il a grandi, sous les traits de son enfance, ramenée des limbes avec délicatesse par l'autrice. Chaque expérience, chaque son, chaque odeur, chaque couleur, est décrit avec la précision d'un peintre ou d'un poète qui voit et met en mots ce qu'on ne voit plus par habitude et qu'on recherche une fois effacé.
C'est là la force de ce premier roman qui éblouit par la force de la sensation, le moindre effleurement étant rapporté avec autant d'importance que le plus grand bouleversement : on y retrouve nos émois d'enfant, nos pleurs d'adolescent, nos regrets d'adultes comme nos joies collectives, et souligne toute l'importance que peut avoir un lieu, en particulier une maison familiale, avec tous les pièges que cela comporte.
On dévore, on parcourt une vie en même temps que les étages de la Maison, au fil des saisons, et on croit sentir l'air changer lui-même en respirant les pages. Il faut maintenant refermer le livre comme on refermerait la Maison, mais on ne peut s'empêcher de jeter un regard en arrière : car, à l'inverse de la narratrice, nous avons cette fois un avantage sur nos chers êtres de papier : nous pouvons revenir, reparcourir, et revivre pour elle ce qu'elle doit abandonner.