En tant qu'enquête sur le groupe social hommes hétérosexuel cisgenre (et on pourrait aller plus loin en précisant de classe moyenne à aisée, blanc, doté de capital culturel et social,...), cet essai est réellement bon : l'autrice questionne les masculinités et leur construction, met en avant l'existence d'une masculinité hégémonique, le tout à travers une bibliographie variée et fournie, des analyses littéraires ou cinématographiques poussées et pertinentes, en se raccordant toujours aux penchants politiques, sociaux, psychologiques ou encore culturels qui y sont liés. Néanmois, je m'attendais à un texte plus ouvertement politisé et féministe, qui aurait mis en avant les conséquences réelle de cette organisation sociale et des règles de la masculinité hégémonique, par exemple sur les dynamiques inhérentes au couple hétérosexuel (la question est parfois affleurée, jamais réellement traitée), le sexisme institutionnalisé ou toute thématique qui auraient mis l'accent plus sincèrement sur la façon dont les femmes payent l'ambivalence de l'identité de cis mec hétéro qui les conduit à fréquenter les femmes pour être homme tout en les méprisant pour les mêmes raisons. La question de la famille, qui est elle aussi affleurée sans être traitée en profondeur, me semblait elle aussi centrale mais l'autrice à fait le choix de ne l'inclure que de façon relativement marginale en dehors de son traitement historique qui lui passe en revue l'évolution du modèle de la famille nucléaire. Enfin, je pense que la puissance du texte n'aurait été qu'accrue si l'autrice avait pris le temps de proposer davantage de pistes de réflexion pouvant mener à l'avénement d'une société - ou dans un premier temps de communautés - parvenant à se défaire de l'ancestrale domination patriarcale ; les dernières pages esquissent cela sans aller jusqu'au bout.
Il n'y a qu'à espérer que les prochains travaux de Léane Alestra viendront compléter avec pertinence cet ouvrage qui, s'il ne m'a pas intéressé plus que ça, reste un ouvrage fort par son sujet et qui ouvre le champ de la réflexion sur l'hétéronormativité, les comportements qui en découlent et la façon dont celle-ci garantie au patriarcat des jours heureux.