« Munyal », ce mot qui résonne en elles depuis toujours. Ce mot qui les suit autant qu’il les précède. Ce mot qui leur est si familier mais pourtant qu’elles haïssent plus que tout au monde. Ramla, Hindou et Safira, ces trois femmes au destin lié vivent l’enfer d’attendre. L’enfer de la polygamie, de la vie en concessions et des viols. Cet ouvrage de Djaïli Amadou Amal ayant déjà reçu le prix orange en Afrique ne peut laisser quiconque impassible. Renommée « la voix des sans voix », Djaïli Amadou Amal a aussi vécu le mariage forcé, à 17 ans ! Cette féministe œuvre pour son combat, celui de libérer ces femmes de l’oppression masculine. Son roman ouvre le débat, il fait prendre conscience à chacun qu’un esclavagisme des temps modernes sévit encore en ce moment même.
Dans le nord du Cameroun, dans cette région où règne le machisme, les femmes sont totalement soumise d’abord à leurs pères puis à leurs maris. Elles n’ont aucun droit. Leur seul devoir est de satisfaire leur mari. Elles ne peuvent pas se plaindre et même si elles osaient, on leur répondrait «munyal » autrement dit « patiente », « accepte tout », « soumets-toi sans rien dire ». Ramla, Hindou, Safira ainsi que toutes les femmes passent leur vie à patienter sans recevoir aucune aide des femmes qui les entourent. L’auteur se sert de son roman pour alerter toutes les femmes qui vivent actuellement la polygamie. En ne faisant rien, en acceptant que leurs filles soient mariées de force, elles deviennent complices. Djaïli montre, par son propre exemple, qu’il est possible de faire changer les choses. Elle a réussi à quitter son mari 5 ans après son mariage forcé. Ces coutumes sont tellement inscrites dans leur société que les femmes ne se rendent même plus compte que c’est un problème. Djaïli cite par exemple : « Dans la société d’où je viens, qui est le Sahel, le viol est devenu une habitude, voire une culture, surtout les soirs de noces.» Ce livre est un appel à ouvrir les yeux.
Tout ce roman tourne autour de la thématique du féminisme, de l’égalité homme/femme. Ces trois témoignages poignants écrits très justement sans tomber dans le sordide, retranscrivent l’histoire de toutes ces femmes trop patientes pour accomplir leurs rêves. Ce livre est très intéressant à lire autant pour les femmes que pour les hommes. Il est très bien écrit car il illustre parfaitement les pensées de ces femmes soumises à cette vie qu’elles n’ont pas choisie. C’est une très bonne approche du féminisme qui devrait être lue par tous. C’est un livre qui éduque sans en donner l’impression.
Pour l’avenir, Djaïli Amadou Amal pense que l’éducation est la clé. Pour pouvoir changer les choses, on doit éduquer nos fils et enseigner à nos filles. Les filles au Sahel ne sont même pas 50 % à être scolarisées, ce qui explique que leur avenir repose sur le mariage. L’éducation des garçons est aussi très importante. C’est le rôle de toutes les mères de faire changer les choses en éduquant leur fils, en leur apprenant qu’il n’est pas concevable de violer et de frapper sa femme. L’espoir d’un avenir meilleur réside dans la jeunesse.
Nora Carpinelli